Les festivals québécois lancent un cri d’alarme pour un meilleur financement
Dans une lettre ouverte aux médias, Alain Mongeau, fondateur ainsi que directeur général et artistique de Mutek, Audrey Genois, directrice générale de Momenta Biennale de l’image, David Lavoie, directeur général du Festival TransAmériques, et 13 autres directions générales de festivals montréalais cosignent une lettre dans laquelle ils et elles interpellent les ministres Pablo Rodriguez, Pierre Fitzgibbon et Mathieu Lacombe, ainsi que la mairesse Valérie Plante. Nous reproduisons ici leur lettre.
Montréal est riche de ses festivals. Composante majeure de sa vie culturelle et touristique, on y trouve plus d’une quarantaine d’événements voués à une forme spécifique : théâtre, danse, cirque, cinéma, musique, photographie, arts numériques, arts visuels, arts autochtones et plus encore. Nos festivals sont une ouverture sur le monde et mettent en lumière la créativité des artistes. Majoritairement fréquentés par nos concitoyens — un public curieux, exigeant et passionné —, ils offrent un accès unique à des œuvres d’ici et de l’étranger.
Le dynamisme de nos festivals contribue à l’affirmation de Montréal en tant que métropole culturelle francophone unique des Amériques. À tout moment de l’année et dans les différents quartiers, les festivals sont attendus avec excitation. Ils sont une fierté collective, le cœur d’une activité culturelle vibrante.
Les festivals sont des acteurs de cohésion sociale. Nous réunissons des artistes de tout le pays et accueillons des œuvres d’une diversité de cultures, créant un lien fort avec le public. Cette communion est vitale pour le bien-être de notre société. C’est ce qui fait qu’une ville est vivante.
Notre secteur, comme plusieurs autres, a été rudement mis à l’épreuve par la pandémie. Les mesures sanitaires ont obligé une réinvention des formats et des programmations. Nous avons fait preuve d’une grande agilité afin de préserver les acquis et de livrer nos événements. Ce tour de force a été possible grâce aux gouvernements, qui ont engagé des investissements notoires. Nous vous en sommes sincèrement reconnaissants.
Or, les lendemains de cette crise sont abrupts, dévoilant la fragilité de nos structures et l’essoufflement de nos équipes. Nous sommes inquiets de ce qui se profile, que ce soit l’inflation qui se reflète dans les frais de production, l’augmentation essentielle des cachets d’artistes ou les enjeux concernant les ressources humaines. Nous subissons les impacts de la dépréciation des conditions d’emploi du secteur culturel, qui est observée depuis de nombreuses années. Le financement actuel ne nous permet plus de maintenir les emplois nécessaires au bon déploiement de nos activités. La conjoncture a des conséquences dramatiques pour l’avenir.
Sonnette d’alarme
Aujourd’hui, messieurs les ministres, Pablo Rodriguez, Pierre Fitzgibbon et Mathieu Lacombe, madame la mairesse, Valérie Plante, nous tirons la sonnette d’alarme. Dans un contexte où l’aide spéciale offerte pendant la pandémie est terminée, notre capacité à offrir des programmations conséquentes et à contribuer au milieu du travail et à l’économie est en péril.
Il est nécessaire que les gouvernements mettent en place des mesures pour améliorer les conditions d’emploi et pour nous aider à structurer les prochaines années. Il faut que les trois paliers de l’État aident les festivals à affirmer une vision durable et renouvelée de l’avenir. Enfin, il faut qu’une vigie s’organise entre les instances publiques concernées pour articuler des réponses cohérentes aux difficultés que nous exprimons. Le monde a changé et nos responsabilités sociales, environnementales et économiques sont grandissantes. Nous sommes prêts à relever les épreuves qui sont devant nous, mais souhaitons des engagements clairs en contrepartie.
Porteuses et porteurs d’un patrimoine vivant dont nous assurons la vitalité avec des retombées économiques plurisectorielles, nous sommes prêts à investir tout notre courage, à mobiliser nos équipes et à fédérer toutes les parties prenantes auxquelles nous sommes rattachés. Mais nous ne pouvons pas relever ce défi sans vous.
Au cours des mois qui viennent, nous convierons avec joie Montréalaises et Montréalais, touristes et excursionnistes à nos événements. Il est réjouissant de retrouver des publics nombreux et d’impulser avec eux le cœur de la vie culturelle et artistique de Montréal. Cette solidarité mérite notre engagement comme le vôtre.
*Ont aussi signé cette lettre :
- Guilhem Caillard, directeur général de Cinemania
- Eric Cazes, directeur des opérations de Pop Montréal
- Fabienne Colas, présidente-fondatrice du Festival international du film black de Montréal et du Festival Haïti en folie
- Pierre Corbeil, directeur général de Fantasia
- Philippe U. del Drago, directeur général et artistique du Festival international du film sur l’art
- André Dudemaine, directeur général du festival international Présence autochtone
- Marc Gauthier, directeur général des Rencontres internationales du documentaire de Montréal
- Nicolas Girard Deltruc, directeur général du Festival du nouveau cinéma de Montréal
- Stéphane Lavoie, directeur général de Montréal complètement cirque
- Frédéric Loury, fondateur, directeur général et commissaire principal d’Art souterrain
- Sylvie Quenneville, directrice générale des Rendez-vous Québec cinéma
- Suzanne Rousseau, directrice générale du Festival international Nuits d’Afrique
- Rafik Sabbagh, fondateur, directeur général et artistique du Festival Quartiers danses