Depuis quelques années, les géants chinois de la vente en ligne, comme Temu et Shein, envahissent le marché canadien avec leurs produits à bas prix, souvent au détriment de nos commerces locaux et de nos standards de qualité, de sécurité et de respect de l’environnement. Le Conseil québécois du commerce de détail (CQCD) et cosignée par 22 détaillants et organisations a déposé une lettre à Justin Trudeau, premier ministre du Canada et à François Legault, premier ministre du Québec.
Pendant ce temps, le gouvernement fédéral semble faire preuve d’une inquiétante passivité, laissant ces entreprises inonder le marché sans répondre aux mêmes normes de concurrence que les entreprises canadiennes. Une telle absence de régulation ne sert ni l’économie canadienne ni les consommateurs.
D’emblée, il est important de souligner que de telles plateformes bénéficient souvent d’avantages financiers et d’un accès à des ressources bon marché, ce qui leur permet de proposer des prix que peu de commerçants canadiens peuvent concurrencer. Ces produits, bien qu’attrayants par leurs coûts, reposent fréquemment sur des pratiques de production critiquables et des normes de qualité inférieure.
Les entreprises de chez nous, en revanche, doivent respecter les lois canadiennes sur les salaires, la sécurité des travailleurs, les réglementations environnementales, ainsi que les exigences de santé et de sécurité pour les consommateurs. Ce déséquilibre crée une concurrence déloyale qui fragilise grandement notre tissu économique, met en péril des milliers d’emplois et représente un danger pour la population.
Surconsommation et mode éphémère : un enjeu environnemental urgent
Ces plateformes poussent à la surconsommation, avec des produits de très mauvaise qualité et de mode éphémère (communément appelée fast-fashion), dont le recyclage demeure pratiquement impossible. Cela crée un impact néfaste sur l’environnement, dans un contexte où l’Organisation des Nations Unies (ONU) rappelait récemment que la mode arrive au deuxième rang des industries les plus polluantes de la planète en générant 1,2 milliard de tonnes de gaz à effet de serre (GES) chaque année. Et ce, sans parler de l’énorme quantité de déchets engendrés, qui a un coût et des conséquences environnementales sans précédent.
Le laisser-faire actuel est contraire à une politique environnementale, d’autant plus que ces plateformes en ligne montrent peu de transparence sur leurs conditions de fabrication de produits. Alors que de nombreux Canadiens cherchent à adopter des habitudes de consommation responsables, ils se retrouvent avec des options de plus en plus limitées face à l’invasion de ces produits bon marché et de courte durée.
Sécurité compromise : des produits en ligne qui défient les normes
Un autre point inéquitable pour nos commerçants et qui plus est, dangereux pour la population, est que le gouvernement ne se soucie pas du fait que plusieurs des produits provenant de ces sites sont non-conformes aux exigences de santé et de sécurité de notre pays.
Prenons l’exemple d’un jouet ou d’un vêtement pour bébé. Le Canada légifère le choix des matériaux, les colorants utilisés, la qualité de confection et autres, afin d’éviter tous les risques possibles. Ces normes sont souvent un véritable casse-tête pour nos détaillants, mais ceux-ci n’ont d’autres choix que de s’y conformer pour le bien de la population. Qu’en est-il des produits vendus sur ces plateformes ? Pourquoi deux poids, deux mesures.
Plagiat : les marques locales face à l’impunité des plateformes étrangères
Finalement, ces plateformes chinoises violeraient aussi les lois canadiennes sur les droits de propriété intellectuelle, copiant sans vergogne des modèles de plus petites marques qui connaissent un bon algorithme de vente. Les conséquences actuelles auxquelles ces plateformes s’exposent sont insuffisantes pour les dissuader de commettre de nouvelles infractions.
Urgence d’agir : des solutions concrètes
Les signataires sont conscients que cette forme de commerce bas de gamme peut profiter aux consommateurs, notamment au point de vue économique. Par contre, pour toutes les raisons précédemment nommées, le gouvernement doit agir et c’est pourquoi le Conseil québécois du commerce de détail (CQCD) lance cette offensive, soutenue par de nombreux acteurs du commerce de détail.
Des mesures de taxation et des normes équitables de régulation pour les entreprises étrangères permettraient de soutenir notre économie, d’assurer une concurrence plus saine et de préserver l’emploi au Canada.
Ne rien faire est non seulement irresponsable, mais aussi dangereux pour la prospérité et la durabilité de notre pays. Il est temps que le gouvernement fédéral reconnaisse les impacts de ces géants de la vente en ligne et adopte des mesures concrètes pour défendre l’économie canadienne, les consommateurs et les valeurs que nous défendons tous.
Voici ce que nous réclamons de façon urgente :
- Imposer l’application d’un « bonus-malus », comme l’a fait la France au printemps 2024. Sur chaque vêtement vendu par ces plateformes, cinq euros supplémentaires sont payés par l’acheteur, qui sont ensuite réinvestis pour soutenir les entreprises textiles locales. Notre objectif avec ce « bonus-malus » est de faire en sorte que ces produits aient un coût supplémentaire ; celui qu’il inflige à la société. Il serait également un moteur pour stimuler la création d’emplois dans le secteur du commerce de détail.
- Renforcer l’encadrement législatif afin d’inclure les notions d’écoconception, de durabilité et de développement durable, ainsi que favoriser le financement de nos entreprises qui mettent de l’avant des tissus à base de fibres biologiques ou naturelles, accessibles localement.
- Ouvrir une enquête sur la conformité et la légalité aux lois canadiennes en matière de protection des consommateurs et préciser les responsabilités de ces plateformes en matière de sécurité pour créer des conditions de concurrence plus équitables et moins dommageables dans le secteur du commerce de détail. À l’instar de pays de l’Union européenne, dont la France et l’Allemagne, sévir contre les sites qui vendent des produits dangereux.
- Reconnaître les plateformes de commerce électronique étrangères, comme Shein et Temu, comme des opérateurs économiques, afin qu’elles soient juridiquement responsables de leurs produits.
Ont signé cette lettre, 22 détaillants et organisations :
Norman John Hébert (Groupe Park Avenue inc.), président et chef de l’exploitation
et président du conseil d’administration du CQCD
Margo Setlakwe Blouin (A. Setlakwe ltée), présidente
Et administratrice au CQCD
Mark Dervishian (Arden Holdings Inc.), président-directeur général
Gilles Labre (Boutique Courir), président-fondateur
Vicky Scalia (Chaussures L’Intervalle inc.), co-PDG et cofondatrice
et administratrice au CQCD
Charles Pépin-Clément (Clément), président
Frédérik Guérin (Club Tissus), président-directeur général
Éric St-Arnaud (Goodwill Renaissance Québec), directeur général
et administrateur au CQCD
Martin Boucher (Groupe Boucher Sports - Sports Experts), président-directeur général
Jean-Philippe D. Lachance (Groupe Dynamite inc.), chef de la direction financière
François Roberge (Groupe la Vie en Rose inc.), président-directeur général
Jessika Roussy (Groupe Mode Choc ltée), copropriétaire et directrice générale
Steeve Beaudet (Groupe Souris Mini inc.), président
Mario Durocher (Home Hardware Stores Limited), directeur des opérations,
Québec/Maritimes
Jean-Frédéric Pépin (Humanfashionation [Aubainerie]), président et chef de la direction
Robert Brunet (La Cordée), directeur général
Elfi Morin (Les Produits du Québec), directrice générale
Éric Lecompte (Magasins Lecompte Inc.), président-directeur général
Mathieu St-Arnaud Lavoie (Grappe métropolitaine de mode), directeur général
Alexandra Oberson (Oberson), présidente
Daniel Lampron (Patrick Morin inc.), vice-président et chef de l’exploitation
et administrateur au CQCD
Isabelle Lemay (SAIL Plein Air inc.), présidente et cheffe de la direction