[PODCAST] Mike Patten porte un regard critique sur Instagram avec son exposition « #Latergram »
« S’agiter », un triptyque d’expositions individuelles, se conclut avec l’oeuvre « #Latergram » de l’artiste autochtone Mike Patten. Présenté au Hangar 7826, ce travail consiste en une série de photos prises au cours des dernières années relatant des moments divers, qu’ils soient grandioses ou anodins. Le Lien MULTIMÉDIA s’est entretenu avec Mike Patten pour comprendre son intention derrière cette exposition.
Mike Patten est un artiste visuel originaire de la Saskatchewan qui habite Montréal depuis plusieurs années. Le membre de la Première Nation Zagime Anishinabek a obtenu un baccalauréat en beaux-arts spécialisé en peinture ainsi qu’un autre en dessin, en plus d’une mineure en histoire de l’art de l’Université de la Saskatchewan.
Sa pratique est principalement la sculpture. Il l’utilise pour mettre en lumière plusieurs enjeux touchant les Autochtones, comme le colonialisme, les stéréotypes, l’instrumentalisation de leurs cultures ou encore la violence coloniale. Sa passion pour la photographie a émergé il y a quelques années. « J’ai commencé à prendre des photos comme une pratique parallèle en 2011. Je ne considérais pas cela comme une forme d’art pour moi. Je documentais les différentes expositions que j’allais visiter, des festivals, des manifestations, etc. Je m’intéresse à beaucoup de sujets qui sont en lien avec les relations humaines », explique Mike Patten.
Visible à toute heure de la journée à travers les vitres du Hangar 7826, « #Latergram » prend l’allure d’un fil d’actualité Instagram sur lequel défile les clichés captés par le photographe. « Le "curateur" m’a choisi pour l’exposition car il était intéressé par ma production compulsive de photographies sur les réseaux sociaux. Je prenais des photos principalement pour Instagram. C’était le seul endroit où elles étaient disponibles », justifie l’artiste.
Pendant que Mike Patten préparait son exposition, le compte Instagram qui regroupait l’entièreté de son travail des dernières années a été désactivé pour violation des conditions par le réseau social en décembre 2021. À la suite de cette malheureuse nouvelle, « #Latergram » devient le seul espace où ces images peuvent être appréciées. « J’ai envoyé quelques appels, mais rien n’en a résulté. J’ai décidé de faire l’exposition à propos d’Instagram. J’ai formaté les photos pour qu’elles semblent défiler sur une interface d’un fil d’actualité. J’ai organisé toute l’exposition comme une grille, pour montrer la succession et les répétitions typiques d’Instagram », raconte Mike Patten, qui présente son exposition jusqu’au 6 février.
« C’était une fin logique au projet. J’ai commencé en 2015 et cela s’est terminé en décembre 2021. L’exposition est juste après, donc c’est tombé à point. Bien sûr que je suis déçu que ce compte ait disparu, mais il s’agit d’une exposition en mémoire de tout le travail que j’ai fait durant ces années. Ce qui est intéressant de travailler avec les réseaux sociaux, c’est que tu mets tout ce temps pour construire quelque chose qui peut être retiré à tout moment. Quand tu t’inscris, tu acceptes que la compagnie peut faire ce qu’elle veut de ton contenu. »
Suite à la triste désactivation de son compte Instagram, l’artiste autochtone a tiré plusieurs leçons par rapport à la gestion et à l’utilisation des réseaux sociaux, qui sont aujourd’hui les principaux canaux de partage de l’information. « Pendant que je passais à travers la banque de 50 000 photos que j’avais prises pour ce projet, j’ai réalisé que ce qu’on fait sur les réseaux sociaux importe peu car ce sont des outils très immédiats. Lorsque tu vas sur une page et tu mets une mention J’aime sur une photo, tu ne défiles pas pour 15 ou 20 minutes pour arriver à la fin. On passe à autre chose très rapidement. Même si j’ai fait un travail colossal, mon compte a été désactivé et c’est comme si je n’avais jamais existé », conclut Mike Patten.