La différence entre un quartier attrayant et dynamique et un autre stagnant et moribond peut dépendre de la vitalité de ses associations locales. Ces groupes agissent en effet souvent comme un moteur de la vie publique en organisant les activités sportives, pique-niques, festivals et autres célébrations saisonnières qui resserrent le tissu communautaire.
Un récent article paru dans le World Leisure Journal avance toutefois que ces associations ne seraient pas toujours aussi inclusives qu’elles le semblent. Les auteures ont interviewé des leaders communautaires dans une ville anonyme de taille moyenne en Ontario. Elles ont ainsi observé que les groupes bénévoles, qui reçoivent souvent un financement et une aide en nature de la municipalité afin d’encourager le sentiment d’appartenance dans les quartiers, peuvent être insulaires, exclusifs et résistants au changement. Ils ne reflètent pas non plus toujours les communautés dynamiques qu’ils sont censés servir.
L’étude a été menée par Sarah Byrne et Lindsay Kalbfleisch, anciennes étudiantes du premier cycle à l’Université de Waterloo. Darla Fortune, professeure agrégée de sciences humaines appliquées à la Faculté des arts et des sciences de l’Université Concordia, a supervisé le projet.
« Nous avons entrepris cette recherche en pensant que tous les résultats seraient positifs, que ces associations tissaient des liens entre voisins lors des festivals et des événements qu’elles organisaient, explique la Pre Fortune. Et c’est effectivement ce qui se passait. Mais nous avons aussi été étonnées d’apprendre de la bouche des membres les plus actifs que s’ils avaient à cœur de susciter un sentiment d’appartenance dans leurs activités, ils ne jugeaient pas nécessaire d’y inclure tous les résidents du quartier. »
Du plaisir pour certains, mais pas tous
Les chercheuses ont constaté que les neuf leaders d’association qu’elles ont interviewés étaient presque exclusivement de riches propriétaires blancs, dont la majorité élevait une jeune famille. Les autres étaient des retraités dont les enfants n’habitaient plus chez eux.
Elles soulignent que leurs contributions étaient souvent précieuses : ils organisaient des activités communautaires et s’assuraient que les installations comme les piscines et les parcs étaient entretenues, que les ligues sportives étaient gérées, et que les chasses aux œufs de Pâques et les cérémonies d’allumage de sapin de Noël étaient planifiées. Et lorsqu’une famille traversait une épreuve, telle qu’une naissance ou un décès, l’association agissait souvent comme un précieux réseau de soutien.
« Mais lorsque nous avons demandé à ces leaders qui s’impliquait, ceux-ci nous ont répondu de manière très ambiguë », précise Darla Fortune. Ainsi, peu d’activités étaient prévues pour les personnes âgées, et malgré la nature multiculturelle de ces quartiers, les événements organisés par les associations étaient presque exclusivement axés sur des thèmes d’inspiration chrétienne. Les leaders interviewés ont souvent déclaré qu’ils continueraient de planifier des activités comme ils l’avaient fait dans le passé, car ils éprouvaient personnellement un sentiment d’appartenance du fait de leur participation.
« Aucune personne ne nous a dit qu’elle ne voulait pas que tous ses voisins s’impliquent, mais il n’y avait par ailleurs aucune volonté de solliciter leur apport. »
Communiquer avec la communauté
Les chercheuses soutiennent que les associations de quartier financées par la municipalité détiennent un certain pouvoir au sein de leurs communautés, et qu’en œuvrant à la réalisation des objectifs de leurs leaders – qui ne représentent pas nécessairement tout le quartier –, elles risquent de perpétuer l’exclusion reposant sur la différence. Les chercheuses espèrent que ces associations et les municipalités qui les appuient pourront diversifier et élargir leur approche afin de susciter un véritable sentiment d’appartenance pour tous les résidents, et non pas seulement pour un sous-groupe limité et souvent aisé.
« Le fait que les membres les plus actifs de la communauté soient de jeunes familles blanches ne constitue pas forcément un problème, conclut Darla Fortune. Ils devraient toutefois reconnaître qu’il existe d’autres résidents dont les besoins doivent être satisfaits et dont les voix doivent être entendues, même s’ils ne s’impliquent pas activement. »