De Humphrey Bogart et Lauren Bacall à Tom Holland et Zendaya, les couples célèbres d’Hollywood sont depuis toujours une source de fascination et d’envie. Mais comment ces célébrités hollywoodiennes fonctionnent-elles en tant que projet d’affaires ?
Dans les industries axées sur les contrats comme le cinéma et la télévision, les réseaux comptent énormément, et l’adage « ce qui compte, ce n’est pas d’avoir de l’érudition, mais des relations » est plus pertinent que jamais. Dans une étude publiée dans la Family Business Review, trois chercheurs de Concordia analysent l’incidence du mariage entre célébrités sur les perspectives de carrière des deux partenaires.
Les chercheurs ont examiné l’effet positif du réseau professionnel d’un partenaire sur le parcours de l’autre partenaire, qui permettait entre autres de décrocher des rôles et de grimper les échelons jusqu’aux postes à la production. Fondée sur les théories de l’entreprise familiale et du réseau, cette étude cible une industrie qui se distingue en valorisant le capital de la renommée comme véhicule de capital économique.
« Nous cherchions à savoir si le fait de se marier avec une personne du même milieu comporte des avantages professionnels dans une industrie qui repose entièrement sur des projets ponctuels », indique Yasaman Gorji, professeure adjointe de management à l’École de gestion John-Molson et auteure principale de l’étude. « Ce genre de soutien existe-t-il et pourrait-il aider les femmes en particulier à briser le plafond de verre ? »
Michael Carney, titulaire de la chaire de recherche de l’Université Concordia en management, et Rajshree Prakash, professeure adjointe de management, ont coécrit l’article.
Yasaman Gorji : « Les réseaux de leurs conjoints aident les femmes à obtenir ces projets mais pas forcément à s’élever dans la hiérarchie. »
Un élan pour les étoiles montantes
Les travaux de recherche de Yasaman Gorji ont commencé avec l’élaboration d’une vaste base de données des personnalités et des couples de l’industrie cinématographique qui remonte aux débuts du septième art à la fin du 19e siècle. Pour les besoins de cette étude, l’analyse se limite à quelque 1 200 couples actifs entre 1970 (vers la fin de l’ère du studio system, dominée par les grands studios, et le début d’une décentralisation de l’industrie hollywoodienne au profit de studios indépendants) et 2010. Ces sujets devaient être des membres importants de l’équipe de tournage, devant ou derrière la caméra, et jouir d’une carrière bien établie dans les années précédant leur mariage.
Compte tenu de la hiérarchie propre à l’industrie étudiée, les chercheurs ont désigné un partenaire comme étant commanditaire et l’autre comme bénéficiaire : un membre du couple se sert de son influence pour soutenir la carrière de son partenaire. Au sein d’une industrie fidèle à sa réputation de domination masculine, les partenaires commanditaires étaient surtout des hommes, et les bénéficiaires des femmes.
Pour déterminer les effets du mariage sur la carrière des sujets, les chercheurs ont étudié les données des cinq années antérieures à leur union et des trois années suivantes. Ils ont également analysé leur trajectoire de carrière, ou bien une ascension des rôles d’interprète vers la production ou la réalisation, ou bien une régression de la production ou de la réalisation vers les seuls rôles d’interprète, d’auteur ou autres, ou encore une stabilité dans leurs rôles trois ans après leur mariage.
Des facteurs comme l’âge au moment du mariage, le sexe et l’expérience au sein de l’industrie ont été pris en compte dans l’analyse des données. Le rôle du bénéficiaire avant le mariage, la façon dont le mariage s’était conclu, le cas échéant (séparation, divorce ou décès) et les Oscars remportés avant le mariage ont également été pris en compte.
Plus de contrats grâce aux réseaux fermés
Les chercheurs ont déterminé que la taille du réseau professionnel de son partenaire influait sur le nombre de rôles décrochés par le membre bénéficiaire. Cet avantage était plus marqué lorsqu’il donnait accès à un réseau fermé plutôt que transparent et ouvert.
« Souvent, les producteurs de contenu vont travailler ensemble de manière récurrente, explique Michael Carney. C’est un genre d’équipe permanente. Sans l’avoir expressément cherché, nous avons découvert qu’il était plus utile d’avoir accès à des cliques ou à des groupes relativement fermés que d’entrer en relation avec un grand nombre de gens. »
Ils ont aussi noté que les hommes étaient plus susceptibles que les femmes de devenir réalisateurs et producteurs après leur mariage. Les chercheurs ajoutent que rien n’indique que les femmes sont plus avantagées par leur mariage que les hommes lorsqu’il s’agit de se hisser dans la hiérarchie vers la production ou la réalisation.
« Cet article est important parce qu’il présente l’idée de la famille hybride, explique Yasaman Gorji. Les couples poursuivent des activités similaires, mais ne possèdent pas d’entreprise. Et ils s’entraident pour décrocher des contrats. Leurs réseaux les aident à obtenir ces contrats, mais pas nécessairement à grimper dans la hiérarchie. »
Lire l’article cité : « Celebrity Couples as Business Families : A Social Network Perspective » (Le couple célèbre, une famille d’affaires : une analyse au prisme du réseau social).