Selon une croyance bien enracinée, dormir avec un animal de compagnie serait une fort mauvaise idée. Au-delà de la possibilité qu’il prenne trop de place, qu’il se gratte bruyamment ou qu’il déclenche des allergies, l’opinion populaire soutient que la présence d’un compagnon à quatre pattes perturbe le sommeil.
Pourtant, une nouvelle étude parue dans la revue Sleep Health donne un tout autre son de cloche. En effet, des chercheuses du Laboratoire de santé publique pédiatrique en psychologie de l’Université Concordia ont découvert ceci : la qualité du sommeil du nombre étonnamment élevé d’enfants partageant leur lit avec un animal de compagnie est virtuellement identique à celle des enfants dormant seuls.
« Le fait de dormir avec un compagnon à quatre pattes ne semble pas perturber le sommeil, affirme la doctorante Hillary Rowe, auteure principale de l’article. Au contraire, les enfants couchant fréquemment avec un animal de compagnie déclarent avoir un sommeil de meilleure qualité. »
Elle a rédigé son article en collaboration avec des collègues du Laboratoire de santé publique pédiatrique en psychologie – les chercheuses Denise Jarrin, Neressa Noel et Joanne Ramil – ainsi qu’avec Jennifer McGrath, professeure de psychologie et directrice du laboratoire.
Une découverte fortuite
Les données exploitées par les chercheuses sont issues des résultats du projet Coeur en santé. Financée par les Instituts de recherche en santé du Canada, cette vaste étude longitudinale examine les liens entre stress infantile, sommeil et rythme circadien.
Des enfants et leurs parents ont répondu à des questions sur le rituel du coucher et l’hygiène du sommeil : constance de l’heure du coucher ; exercice d’une routine relaxante avant d’aller au lit ; et tranquillité et confort de l’espace réservé au sommeil. Durant deux semaines, les enfants ont porté un actigraphe à leur poignet la nuit et ont rédigé un suivi quotidien de leur sommeil. En outre, ils ont été reliés à un appareil de polysomnographie domiciliaire, et ce, afin de permettre aux chercheuses d’enregistrer leurs ondes cérébrales (signaux électroencéphalographiques) au cours d’une nuit.
« L’une des questions portant sur l’hygiène du sommeil concernait le fait de dormir avec un animal de compagnie, signale la Pre McGrath. Nous avons été bien étonnées de constater qu’un enfant sur trois avait répondu par l’affirmative ! »
Après avoir effectué cette découverte, les chercheuses ont consulté la documentation existante pour obtenir de l’information sur le fait de partager son lit avec un animal de compagnie. Elles ont trouvé quelques études sur le sujet, mais la majorité portait sur les adultes ; aucune, ou presque, ne s’intéressait aux jeunes.
« Beaucoup d’enfants dorment avec un petit compagnon à quatre pattes, mais nous ne connaissons pas l’incidence que cela peut comporter en matière de sommeil, fait remarquer Hillary Rowe. Au point de vue de la science du sommeil, il y avait là à notre avis une question importante à examiner. »
Mieux comprendre l’évaluation du sommeil
Les chercheuses ont réparti les enfants en trois groupes, suivant la fréquence à laquelle ils dormaient avec un animal de compagnie : jamais, parfois ou souvent. À l’aide d’une grille de variables, elles ont ensuite comparé le sommeil des sujets des trois groupes pour voir s’il en ressortait des différences significatives.
« Parce que les objectifs du projet Cœur en santé avaient une portée plus vaste, nous avons pu prendre en compte non seulement l’heure du coucher et le temps consacré au sommeil (durée), mais aussi l’attente du sommeil (latence), les réveils nocturnes (interruptions) et la qualité du sommeil », explique la Pre McGrath. Les chercheuses ont observé qu’en général, les trois groupes présentaient des similarités, et ce, sur tous les aspects du sommeil.
« Les résultats indiquent que la présence d’un animal de compagnie n’exerce pas d’incidence négative sur le sommeil, souligne Hillary Rowe. Nous avons constaté que les enfants, et plus particulièrement les ados, qui dorment avec un animal de compagnie ont la plupart du temps une meilleure perception de la qualité de leur sommeil. »
Elle émet l’hypothèse que les enfants sont davantage portés à voir dans un animal de compagnie un ami et, partant, éprouvent un certain réconfort en dormant avec lui.
« Par ailleurs, ces découvertes affinent notre réflexion sur l’amélioration des technologies d’évaluation du sommeil », ajoute la Pre McGrath.
« De nombreux appareils portables, comme les montres Apple Watch, les moniteurs d’activité physique Fitbit ou même les téléphones intelligents, sont dotés d’un accéléromètre, poursuit-elle. Ce dispositif détecte les mouvements et permet donc de décoder le sommeil de sa ou son propriétaire. Beaucoup de gens partagent leur lit avec une autre personne ou un animal de compagnie. Dès lors, il conviendrait de modifier l’algorithme définissant les interruptions du sommeil ou les réveils au moyen d’un nouveau paramètre sur le sommeil partagé. Cela favoriserait une évaluation beaucoup plus précise du sommeil. »
Les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), le Fonds de recherche du Québec – Santé (chercheuses-boursières cliniciennes et chercheurs-boursiers cliniciens) et le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH) ont financé la présente recherche.