Pour plusieurs, le bitcoin représente encore une énigme, même si la première chaîne de blocs de ce système inédit de paiements électroniques sans intermédiaire de confiance fait partie du paysage virtuel depuis le 3 janvier 2009. Faisant le pari de vulgariser ce concept durant une conférence au Forum Avantage numérique, Alexandre Binette, bachelier en génie logiciel et maire de la municipalité de Moffet au Témiscamingue, a abordé avec humour et passion le fonctionnement, mais aussi les limites et les possibilités du bitcoin.
Deux distinctions sont d’abord à faire, mentionne d’entrée de jeu le conférencier. D’un côté, il y a le bitcoin, le protocole de paiement ouvert et sans permission à l’entrée, de l’autre, le bitcoin, l’unité monétaire, qui se divise en 100 millions de satoshis. « C’est aussi des développeurs, des technologies. Ça évolue, ce sont des logiciels, c’est anti-fragile. Depuis 2009, tout le monde essaie d’attaquer et de cracker le bitcoin pour faire de l’argent. Chaque fois qu’il y a des attaques, la version est mise à jour et ça devient de plus en plus solide », décrit le président du GIRAT, organisme porteur du développement initial de la fibre optique régionale et responsable.
Le fichier du bitcoin, soit la blockchain, contient le registre complet de l’ensemble des transactions depuis janvier 2009, au moment où Satochi Nakamoto décide de diffuser par envoi courriel son livre blanc « Bitcoin : un système de paiement électronique pair à pair ». À ce moment, il a la conviction d’avoir trouvé la solution à ce qui a toujours manqué au système de paiement électronique, soit la double dépense. L’argent comptant ne peut jamais être à deux endroits en même temps tandis qu’un jeton électronique peut être dupliqué. La seule manière de se prémunir contre ce problème est d’avoir un intermédiaire de confiance central, par exemple une institution financière, qui a le rôle d’ordonner et d’inscrire les transactions dans une base de données.
« Ce qui est découvert est d’amener la décentralisation, indique Alexandre Binette. Le bitcoin n’est pas vraiment une révolution, mais un assemblage inédit de technologies et de concepts explorés depuis les années 1970 pour arriver à répondre à cette problématique de la double dépense. »
La blockchain est mise à jour chaque fois qu’il y a une transaction sur le réseau, poursuit-il. Chaque personne qui supporte le réseau se fait une copie actualisée de ce registre sur son ordinateur. La nouveauté est donc de vérifier de manière indépendante l’ensemble de ces transactions.
Mais qu’en est-il de la valeur du bitcoin ? Si au départ, il valait 0 $, aujourd’hui la cryptomonnaie s’élève à 47 000 $. « Tout ce qu’il vaut, c’est la valeur que nous sommes prêts à lui donner, résume le maire de Moffet. Qu’est-ce qui pousse la valeur à la hausse ? La limite absolue de 21 millions de bitcoins. En ce moment 19 millions sont minés. Nous pensons que le 21e million sera miné en 2140. L’offre est à la baisse alors que la demande augmente, ce qui explique une partie du prix. Les marchés ne sont pas régulés alors il y a une énorme volatilité. »
Comment alors est-il possible d’incorporer dans le temps de manière ordonnée dans la blockchain chacune des transactions ? Par le hachage, qui agit telle une moulinette avec comme résultat une empreinte, un nombre encore plus grand que le nombre d’atomes visibles à l’oeil nu dans l’univers, compare Alexandre Binette lors de sa présentation au Forum Avantage numérique. Les mineurs, munis de leur appareil qui consomme une quantité astronomique d’énergie, tentent ainsi par de nombreux milliards de tentatives par seconde, de gagner à la loterie du blockchain. « Dans la blockchain, nous ajoutons un nombre aléatoire, notre ticket de loterie. Ce qui incite les mineurs à miner, c’est à la fois pour la sécurité du réseau, mais aussi pour la récompense. Il y en a une dégressive qui est partie à 50 bitcoins par bloc qui est maintenant à 6,25 bitcoins par bloc. Elle va graduellement disparaître », explique le diplômé de l’École de Technologie supérieure (ETS). C’est que les mineurs espèrent que les bitcoins vont finir par valoir une fortune et ainsi récupérer toute l’énergie dépensée.
Bien entendu, les limites de cette cryptomonnaie résident, notamment, dans l’empreinte environnementale qu’elle laisse. Pour donner une petite idée, Alexandre Barrette rapporte que le bitcoin nécessite actuellement davantage d’énergie que des pays comme l’Argentine ou la Thaïlande. Une des pistes de solutions est de déplacer le minage là où l’énergie est physiquement en surplus. Des champs de pétrolifères aux États-Unis ou encore des centrales nucléaires deviennent de possibles batteries monétaires.
« Oui, ça prend de l’énergie. Mais le bitcoin est pilotable. Il peut être déplacé là où c’est moins polluant, car en fin de compte, les énergies renouvelables vont finir par coûter moins cher », affirme l’expert.