[PODCAST] L’exportation à portée de main des entreprises québécoises
Le gouvernement du Québec s’est engagé, au début de l’année 2021, à augmenter les exportations. En mars dernier, il a annoncé un plan de 500 millions $ sur cinq ans pour les relancer, la moitié de cette somme provenant d’Investissement Québec, partenaire de l’AQT, dans ce balado qui réunit Marion Duchesne, fondatrice et PDG de Mediaclip, Martin Thériault, fondateur, PDG et président du conseil de Eddyfi/NDT, et François Rainville, PDG de Averna. Ces trois entreprises se sont engagées dans l’exportation avec succès. Leurs PDG partagent leurs expériences avec Nicole Martel, PDG, et Marc Lapointe, DGA de l’AQT.
Choisir l’exportation ne vient pas nécessairement d’une décision objective, comme l’explique Marion Duchesne, dont l’entreprise développe des solutions logicielles en marque blanche qui permettent aux utilisateurs de personnaliser un large éventail de produits de photo. « Dans notre cas, le premier client venait du Canada et nous avons rapidement lancé une solution innovatrice et nous avons été approchés par des clients aux États-Unis et en Europe. Au début, nous étions un peu désorganisés parce que les demandes étaient in coming. Nous avons donc trouvé des partenaires, un distributeur en Europe et des agents. » Aujourd’hui, 96 % du chiffre d’affaires de Mediaclip est réalisé à l’extérieur du Canada, l’entreprise oeuvrant dans 34 pays et proposant son logiciel en 17 langues. L’entreprise a dû se structurer après avoir rencontré un certain nombre d’embûches. « Pour aller à l’étranger, il faut mettre les choses en place, par exemple penser aux taxes à l’exportation au Brésil et au Japon. Cela demande beaucoup de planification et il faut aussi apprendre au plan culturel. »
Eddyfi se trouve actuellement en forte croissance. Au départ, l’entreprise s’était centrée sur un secteur d’innovation très spécifique, soit l’industrie nucléaire. « Rien n’est plus facile que de rentrer dans une verticale et de se créer des contacts, avance Martin Thériault. Dès le début, entre 80 et 90 % de nos clients se trouvaient à l’étranger. Il faut dire que nous vendons à la fois des biens physiques et des logiciels. Nous avons commencé à ouvrir des bureaux et, dans un deuxième souffle, nous sommes allés chercher des gens. » Ainsi, l’entreprise de Québec s’est installée à Lyon, près des grands joueurs français du nucléaire et de l’électricité, puis à Houston, grande ville du gaz.
Récemment, Eddyfi a dopé son portefeuille avec des acquisitions, dont la plus récente en août 2021, l’achat de Zetec, un acteur majeur de l’industrie non-destructive (CND). Au-delà de la technologie, ces acquisitions permettent d’accueillir des gens au sein de l’équipe, donnant un coup de pouce exceptionnel à l’entreprise qui se trouve aujourd’hui dans 110 pays. « Le Brésil demeure un marché très intéressant, mais très différent du nôtre, donc nous y avons ouvert un bureau, illustre le PDG. La Chine représente plusieurs défis alors que la Russie demande une stratégie particulière. » La COVID-19, on s’en doute, a changé les façons de faire, Eddyfi ayant opté, depuis le début de la crise, pour le marketing interactif. Finis les déplacements pour faire des démonstrations, dorénavant elles se font en virtuel.
Averna, entreprise qui fournit des solutions innovantes de test et de contrôle assurance qualité, connaît une forte croissance depuis la dernière décennie. Lorsque François Rainville y est arrivé il y a deux ans et demi, elle offrait déjà ses produits et services au Canada et aux États-Unis. L’entreprise avait déjà fait quelques acquisitions au Mexique et aux États-Unis. Aujourd’hui, ses activités à l’étranger représentent 95 % de son chiffre d’affaires. « Il faut aller vers les clients là où ils sont, estime le PDG. Donc, il faut bien faire l’exercice. Nous touchons aux industries de l’automobile, du médical ou encore des produits de consommation. Nous avons donc identifié où se trouvaient les centres de design et de manufacture, allant là où se trouve la propriété intellectuelle. Nous avons travaillé avec des partenaires et des intégrateurs locaux pour notre déploiement et notre implantation.
Grâce aux acquisitions en Californie, Averna a réussi à bien se positionner sur la côte ouest américaine, augmentant sa force de vente et sa capacité de livraison. « L’entreprise avait de la difficulté à pénétrer les grands comptes, précise le PDG. En un an, nous avons triplé nos ventes, passant de 5 à plus de 17 millions $. Puis nous avons fait la même chose sur la côte est, dans les secteurs du médical, du transport et de l’automobile. » Averna est également présente en Belgique et aux Pays-Bas, faisant aussi de la fabrication en Pologne. Par contre, le travail d’intégration continue de se faire à partir de Montréal. La pénurie de main-d’oeuvre est aussi un incitatif pour se tourner vers l’étranger, indique Marion Duchesne, et les acquisitions permettent aussi de développer la technologie.
Les trois PDG mettent en garde : aller à l’étranger demande de la préparation. Le Québec, grâce à sa proximité avec les États-Unis, se trouve en bonne position. « Tout faire à partir de Montréal ou de Québec est trop long, souligne Martin Thériault. N’hésitez pas à faire le saut ! Pour vous implanter, trouvez des collaborateurs. » L’écosystème s’est transformé au fil des dix dernières années. Les entrepreneur.e.s peuvent compter sur Investissement Québec, la Caisse de dépôt et placement du Québec, de nombreux fonds et du capital-investissement. Les entreprises québécoises n’ont plus à avoir de complexes face aux États-Unis ou même Toronto. Il existe maintenant des investisseurs qui voient grand et qui ne sont pas là seulement pour le retour immédiat, mais pour le bien collectif.
Et tant qu’à y aller, autant le faire complètement, note Marion Duchesne. Il faut prendre le risque et tout mettre en place pour que son exercice d’exportation fonctionne. Par contre, il faut bien cibler son marché, ajoute de son côté François Rainville, car oui, les États-Unis représentent une mer rouge comprenant de très gros requins.