Avec « English Rose », l’artiste Eve Tagny remet en question notre perception du jardin
MOMENTA biennale de l’image se poursuit jusqu’au 24 octobre. Cet événement regroupe 51 artistes dans 15 expositions sous le thème « Quand la nature ressent ». Parmi ceux et celles-ci, on retrouve l’artiste montréalaise Eve Tagny qui propose l’installation multimédia « English Rose » qui fait partie de l’exposition « De la terre » présentée à la Galerie de l’UQAM.
« L’exposition de groupe "De la terre" porte sur les liens entre les humain·e·s et la terre. Les artistes se penchent sur nos rapports destructeurs avec l’environnement et sur la façon dont la mainmise du pouvoir colonial sur le territoire a bouleversé les relations avec celui-ci », peut-on lire sur le site de MOMENTA.
En alliant vidéos, performances et installations, Eve Tagny s’intéresse aux cycles, aux modulations et aux rythmes que l’on retrouve dans la nature. Elle aborde la figure du jardin, un espace qui se situe entre la nature domptée et l’urbanité. L’artiste remet en question notre vision occidentale de la nature en traitant de colonialisme, de souveraineté corporelle, de labeur et de désir.
Eve Tagny présente « English Rose », une installation multimédia qui fait partie de l’exposition « De la terre ». Elle porte un regard différent sur le symbole de la rose, qui est une fleur autour de laquelle une industrie mondiale gravite. À travers des vidéos, des photos et des objets organiques, elle s’intéresse aux relations de pouvoir, aux conditions de travail difficiles des gens qui travaillent dans les plantations de roses en Équateur et au Kenya et à la migration. L’artiste réfléchit également aux structures coloniales et à la manière dont elles sont représentées dans notre société actuelle.
« L’idée du jardin est venue en réfléchissant au lien avec le deuil, cet espace où le deuil et la transformation du vivant coexistent, explique Eve Tagny. Un endroit qui permet de réintégrer la vie et la mort dans un même cycle. J’en suis finalement venu à m’intéresser à la rose. Je prends la rose comme point de départ pour repenser notre rapport avec la nature, mais aussi notre désir de la posséder et de la commercialiser. Je montre également le jardin comme lieu de relation entre un désir d’être avec la nature et un certain geste de violence envers elle. »
« English Rose » comporte deux vidéos de performances à travers le mouvement qui vise à se réapproprier son corps et sa relation avec la nature. Il y a également un documentaire qui porte sur le grand travail de recherche réalisé par l’artiste afin de comprendre mieux d’où vient cette idée du jardin et de la rose.
« J’ai essayé de comprendre cette notion du jardin qui est beaucoup associée au corps, au deuil et à la temporalité, réitère l’artiste montréalaise. En pensant au corps en tant que femme racisée, je suis arrivée avec ces idées de classes de labeur et de colonialisme. Je viens de la ville et je ne connaissais pas les roses sauvages. Je suis allée à l’Isle-aux-Coudres et un autre monde s’est ouvert à moi. Puis, j’ai commencé à effectuer des recherches et j’ai trouvé ça fascinant parce que c’est un symbole tellement fort et un emblème cliché qui survit. On ne connait pas l’histoire derrière tout ça. »
En plus des vidéos de performances et documentaire, Eve Tagny intègre également du textile et de la terre afin de donner une autre dimension à son installation. « Je pense toujours à l’espace dans mes oeuvres, confie l’artiste. Donc, l’idée de construire un jardin, c’est une pratique vivante qui est en lien avec le contexte. Je choisie mes matériaux en pensant au sujet de mon oeuvre. Pour « English Rose », j’ai exploré avec la cire d’abeilles et des rideaux teints avec des roses. C’est l’idée de transformer ma matière. »