Grâce à l’application Co2deus, la ville belge de Tournai a réduit les émissions de GES sur ses chantiers
La place de la technologie se dirige vers les projets de développement des villes et, grâce à elle, il devient possible de réduire les gaz à effets de serre. Lors de MTL connecte, Valentine Verdonck, directrice adjointe de l’entreprise wallonne BizzDev, Me Jean-François D’Amour, directeur général de la Ville de Magog, et Christophe Vanmuysen, inspecteur général du Service Public de Wallonie (SPW) Mobilité, en ont discuté avec Stephen Cabana, directeur du développement économique à la MRC de Memphrémagog, en prenant l’exemple de la ville de Tournai en Wallonie picarde.
Intervenant par vidéo, l’inspecteur général du SPW Mobilité a expliqué comment Tournai a travaillé sur un chantier de transport modal, par route et par voie d’eau, tout en limitant les nuisances et l’émanation de gaz à effet de serre. Les autorités publiques ont un rôle à jouer dans ces enjeux et, dans le cas de la ville de Wallonie picarde, lorsque vient le temps de lancer des appels d’offres, les entreprises doivent prendre en compte la réduction des GES. « Au départ, ce genre de critère n’existait pas, souligne Valentine Verdonck. Les entreprises qui remportaient les appels d’offres étaient celles qui proposaient un budget moins élevé. Puis, la Commission européenne a adopté le Pacte vert pour l’Europe, visant à devenir climatiquement neutre en 2050.
La ville de Tournai a ajouté des critères qui n’étaient plus que financiers : l’empreinte carbone compte aujourd’hui pour 25 % des critères. Cela n’est pas passé facilement puisque les entreprises de construction et de travaux publics ont dû commencer à récolter les données et les analyser en ajoutant un coefficient bilan carbone, ce qui représente des contraintes et des charges énormes. BizzDev a conçu la solution Co2deus, une application Web conçue pour assurer un suivi automatisé des émissions de CO2 liées à un chantier ou aux déplacements du charroi d’une entreprise. « Quand je suis allé en mission économique à Tournai, j’ai été stupéfait de voir que les pouvoirs publics prenaient en compte les gaz à effet de serre dans les appels d’offres, se souvient Jean-François D’Amour. Nous, on calcule les coûts à la tonne et du transport, mais les GES, ce n’est pas dans nos us et coutumes. » Or, la Ville de Magog vient de lancer un projet de traitement des eaux au coût de 67 millions $ qui aurait pu s’inspirer de l’exemple de Tournai.
Comment les entreprises tournaisiennes ont-elles réagi à ces nouvelles obligations ? « Cela a été vu comme des contraintes et des charges supplémentaires, reconnaît la directrice adjointe de BizzDev. Depuis que nous avons lancé Co2deus en 2017, nous avons passé beaucoup de temps à convaincre. Il faut dire que la plateforme compte sur une objectivité scientifique. » La plateforme calcule le déplacement du personnel, la gestion des matières premières, les déchets et le choix des équipements. « Nous avons été surpris de voir la façon dont les entreprises ont pris l’outil en main, remarque Valentine Verdonck. Certaines l’ont intégré dans leur siège social et sur d’autres aspects de l’entreprise. Elles ont pris l’application en main et font même des suggestions. » L’adoption de la plateforme a eu un effet sur la consommation locale, que ce soit en termes de matériaux ou de personnel. La Ville de Tournai a favorisé le transport fluvial, le covoiturage et les transports groupés. « Ce n’est pas l’application qui choisit (ces changements), mais les humains », lance-t-elle.
En ce moment, le marché s’avère très agressif, note le directeur général de la Ville de Magog. Peu d’entreprises répondent aux appels d’offres. Ajouter des contraintes pourrait les rebuter davantage, mais Jean-François D’Amour a fait le calcul : mettre en place ce type de processus coûterait 1 % du budget d’un projet. « Par contre, il existe des embûches, note-t-il. Il faut une prise de conscience sociale, or les municipalités demeurent les plus grands donneurs d’ouvrage. Il faut donc passer par des élus municipaux, mais aussi le gouvernement. »
« Tout ce qui a été mis en place à Tournai peut être transférable à d’autres chantiers, souligne Christophe Vanmuysen. Co2deus permet un suivi, les pouvoirs publics, mais aussi les entreprises privées peuvent l’utiliser. » Mais comment la technologie peut-elle arriver à régler les enjeux des GES ? se demande Stephen Cabana. « Il s’agit d’une question de gestion des données, répond Valentine Verdonck. Nous avons cette conscience dans tout ce que nous développons, dont notre outil de géolocalisation et celui de maintenance. Il faut ajouter l’analyse basée sur le bilan carbone et avoir un intérêt pour les données. » Il faut des outils de mesure, renchérit Jean-François D’Amour. La Ville de Magog va acquérir des véhicules électriques, mais leur construction vient également avec des enjeux écologiques.
« Il va falloir un chef de file, croit-il. Et la Ville de Magog y travaille. Qui ne tente rien n’a rien, comme on dit. Pour le moment, nous n’avons aucune obligation de calcul d’émission de GES. » Enfin, il faut souligner que la MRC de Memphrémagog a mis en place le Corridor d’accélération, un programme qui vise à stimuler le développement de liens économiques entre le territoire de la MRC et la Belgique, créé en étroite collaboration avec Entreprendre.Wapi, un organisme de développement économique de la Wallonie Picarde.