L’association belge PAF étudie les possibilités de conjuguer l’audiodescription et l’IA
Fondée en 2014 par Odile Marelot et Christelle Brüll, l’association des Professionnels de l’Audiodescription Francophone (PAF), a été créée à l’époque sous la forme d’un organisme sans but lucratif et répondait à un manque de structure professionnelle quant au domaine de l’audiodescription sur le territoire belge. « L’audiodescription n’était pas aussi réglementée. En fait, il n’y avait pas du tout d’obligations il y a 10 ans », relate Aude Piette, actionnaire et membre de PAF, rencontrée par Le Lien MULTIMÉDIA lors de la plus récente édition de MTL connecte.
Les deux cofondatrices ont d’abord dû se former, en France, et concevoir elles-mêmes leur méthodologie. Elles ont également mené du lobbying auprès des instances politiques et des éditeurs de télévision afin de les sensibiliser à la nécessité d’audiodécrire. De là sont nées des obligations, d’abord dans le domaine du cinéma, puis dans celui de l’édition pour le secteur télévisuel. Aujourd’hui, ces obligations exigent, notamment, des chaînes télévisées locales et publiques à audiodécrire une grande portion de leurs programmes. « Il en faudra plus de 50 % qui soient audiodécrits en 2025 », spécifie Aude Piette.
Du côté du septième art, les longs métrages coproduits majoritairement par la Belgique ont la nécessité d’être audiodécrits et de se retrouver sur une plateforme ou une application afin que ces audiodescriptions soient utilisables dans les salles par les personnes malvoyantes.
Aude Piette, arrivée en 2021, a cofondé la société commerciale de PAF avec Christelle Brüll. Cette entité est distincte de l’OSBL, ce qui permet de scinder les missions de la compagnie.
PAF est un collectif particulièrement exigeant en ce qui concerne la qualité des audiodescriptions et l’éthique de travail avec les collaborateurs. Les barèmes légaux pour le paiement des auteurs sont dûment respectés et le produit fini demeure destiné aux individus malvoyants. L’association s’assure qu’il ne demeure pas « dans les boîtes ». « Nous sommes très actifs aussi pour encourager et pousser les cinémas et les diffuseurs à aller jusqu’au bout de leurs obligations. Nous ne les lâchons pas et c’est vrai que nous ne sommes pas toujours bien reçus, mais ça fait partie de nos missions », rappelle celle qui est également réalisatrice sonore.
Depuis plusieurs mois, les Professionnels de l’Audiodescription Francophone s’interrogent sur l’évolution de leur métier, que ce soit du côté des voix artificielles ou des nouveaux programmes d’intelligence artificielle capables de créer du contenu, à la fois synonymes d’inquiétude et d’occasion à saisir. Le regroupement étudie actuellement les possibilités de créer un logiciel permettant une plus grande efficacité et une capacité à proposer des coûts réduits, advenant le cas où l’intelligence artificielle s’occuperait d’une portion de la tâche.
Aude Piette rappelle que le processus d’audiodescription exige une supervision linguistique, une écriture en tandem d’auteurs, un enregistrement en studio par des comédiens professionnels, la présence d’un directeur de casting et d’un ingénieur de son, des dépenses considérables.
Ainsi, le traitement de tous les sons d’un film ou d’une série télévisée pourraient être confiés à l’intelligence artificielle, indique l’actionnaire et membre de PAF. Le gain de temps serait très important. « Nous audiodécrivons dans le silence pour ne pas venir empiéter sur la bande son existante, qui doit rester claire pour la personne malvoyante », mentionne-t-elle.
Un programme générerait une première ébauche, ce qui aiderait grandement l’auteur à par la suite peaufiner les textes. Même si les attentes de l’intelligence artificielle ne sont pas celles d’un produit fini, loin de là, la machine offrirait néanmoins les bases d’un travail et une structure en quelques minutes qui réduit toutes les étapes de préparation.
« Après, l’auteur se concentre sur le plus important : le détail, les formulations, la linguistique, etc. Évidemment, si nous pouvions intégrer à ce programme un logiciel linguistique, grammatical et lexical proposant différents termes et synonymes, ça viendrait nous rendre encore plus qualitatifs. Le but est de ne pas passer de temps sur des tâches qui n’amènent pas cette qualité, qui peuvent être réalisées sans l’intervention d’un humain », décrit l’actionnaire et membre de PAF.
La présence de PAF à MTL connecte était, entre autres, dans le but de rencontrer des joueurs québécois évoluant dans le même secteur qui ont déjà expérimenté avec des voix artificielles, dont la société montréalaise Elokutio, qui audiodécrit d’ailleurs l’émission « Drag Race Belgique ». « L’entreprise s’est attaquée au marché belge. C’est un compétiteur pour nous, mais c’est peut-être aussi un collaborateur », glisse enfin Aude Piette.
La participation d’Aude Piette de PAF à MTL connecte s’inscrit dans le cadre de l’initiative « La Wallonie numérique ».