Le projet WIKWEMOT se sert de la technologie pour transmettre la culture anicinabe
Au cours des dernières années, plusieurs efforts ont été mis en place par les communautés autochtones du Québec pour transmettre leur culture et leur langue aux nouvelles générations. Par le biais du numérique, le projet WIKWEMOT développe une application interactive qui permettra aux jeunes du primaire et du secondaire de découvrir leurs traditions et leur langue anicinabemowin. Dans le cadre du Forum Avantage numérique 2022, Dominic Lafontaine, Marie-Raphaëlle LeBlond et Jean-Ambroise Vesac présentent le projet lors du « Panel : Transmission & traditions : la résidence wikwemot 2022 ». Voici un résumé de la rencontre.
Les résidences de cocréation sont souvent organisées dans le milieu artistique. Résultat de la collaboration entre Minwashin, le Petit Théâtre du Vieux Noranda, Hexagram, Espace O Lab et l’UQAT, le projet WIKWEMOT se sert de cet outil pour faire le pont entre les innovations technologiques et l’usage social selon une approche multidisciplinaire. Cela permet aux participants d’apprendre de nouvelles pratiques, grâce à la collaboration et au partage des connaissances. « C’est comme ça qu’on ressort le meilleur potentiel de tous. Quand les membres de l’équipe sont complémentaires, il n’y a pas de dynamique de compétition. Tu essaies de tendre l’oreille aux compétences des autres et de voir comment tu peux les complémenter », avance Marie-Raphaëlle LeBlond, chargée de projet – recherche et documentation pour Minwashin.
Le but de la résidence était de créer et de collaborer avec l’aide du numérique. Elle a été pensée par Marie-Raphaëlle LeBlond et Gracie, une kukum (grand-mère en innu) de Rapid Lake. Elles veulent faire un objet numérique qui sera accessible à tous. Les différents organismes ont sélectionné les participants qui venaient de domaines très variés. Des artistes, des étudiants et des porteurs culturels autochtones ont travaillé conjointement durant cette résidence. Puis, des groupes ont été formés en jumelant des personnes aux personnalités et aux compétences complémentaires.
Selon Marie-Raphaëlle LeBlond, la clé de cette collaboration entre Autochtones et Allochtones était de prendre le temps. « La plupart des personnes présentes n’avaient jamais collaboré avec des Anichinabés. Il faut se donner le temps de trouver une forme de légitimité. Parfois, c’est seulement de comprendre son rôle et comment mettre ses compétences au service d’un projet. Même après quatre ans à travailler avec Gracie, je redéfinis mon rôle à chaque jour », raconte la chargée de projet.
Afin de stimuler l’idéation et la création lors de la résidence WIKWEMOT, les organisateurs ont utilisé plusieurs outils comme le lexique imagé ou des livres. Tout était fait avec le sourire et les rires étaient à l’origine de plusieurs idées amenées. Cette méthode de travail plutôt décousue et hétérodoxe en a surpris plus d’un. « Les gens de l’extérieur qui sont venus visiter la résidence m’ont dit qu’en entrant dans la salle, ils avaient l’impression qu’il ne se passait rien. Tout le monde parlait doucement, certains étaient en train de rire dans un coin. Cela pouvait sembler chaotique, mais en s’approchant des groupes, on pouvait percevoir la qualité des échanges », ajoute Marie-Raphaëlle LeBlond.
Durant la résidence, chaque équipe a travaillé sur un projet numérique. La première a imaginé un jeu du même type que Minecraft, dans lequel le joueur doit trouver des mots en anicinabemowin pour avancer dans son aventure. La deuxième a créé un parcours de « géocaching » où les utilisateurs apprennent de nouvelles choses sur le territoire qui leur permettent d’être en contact avec celui-ci. La troisième équipe a conçu un jeu vidéo dans lequel le joueur incarne différents animaux qui ont tous des compétences et caractéristiques uniques.
« En recherche et documentation, on a souvent une approche très carrée. On s’est dit qu’on pouvait rendre cela agréable pour la communauté aussi. On veut que les gens puissent apprendre de nouvelles choses en ayant du plaisir. C’est un lieu que la communauté peut utiliser pour ses propres besoins, et le plaisir est au coeur de toute la démarche », lance Marie-Raphaëlle LeBlond.
Le projet WIKWEMOT tente de déconstruire l’idée que tradition et technologie ne vont pas de pair. Les langues autochtones sont dans une situation très précaire. L’artiste Dominic Lafontaine croit qu’il faut se servir de tous les outils technologiques possible pour les sauver. « Il faut amplifier la tradition orale », conclut-il.