Vous pensez que la production de contenu sur écran vit des heures difficiles ? Attendez de voir ce que 2020 nous réserve de bon, confie Valerie Creighton, présidente et chef de la direction du Fonds des médias du Canada.
À l’aube d’une nouvelle décennie, nos créateurs ont le vent dans les voiles et leur réputation dépasse nos frontières. Notre marque de commerce est plus forte que jamais. Jadis, on parlait du Canada en évoquant notre ouverture sur le monde ou la fiabilité de notre système bancaire. Aujourd’hui, c’est notre offre culturelle audacieuse qui nous fait rayonner à l’international. En plus de rejoindre de nouveaux auditoires, l’industrie de l’image constitue un moteur économique incontournable à l’ère numérique.
Qu’on parle de littérature, de musique, d’arts visuels, de design ou de contenu pour tous les types d’écrans (cinéma, télévision, téléphones intelligents, tablettes, ordinateurs, etc.), nos histoires, notre créativité et notre innovation voyagent. Elles parlent à l’imaginaire de nombreux publics à travers le monde.
Bien que le modèle traditionnel soit en mutation, une fenêtre de nouvelles opportunités s’est ouverte. Le consensus national est de plus en plus clair sur les avantages que les industries culturelles nous offrent. Riche d’artistes et d’artisans de talent, devant comme derrière la caméra, le secteur de la production de contenu sur écran a créé l’an dernier 179 000 emplois à temps plein au Canada. Ces postes bien rémunérés ont ajouté la somme impressionnante de 12,6 milliards de dollars au PIB.
Dans un monde de plus en plus fragmenté et polarisé, l’investissement dans le contenu créatif canadien n’est pas seulement souhaitable culturellement et économiquement, il constitue une partie intégrante de notre diplomatie publique. Ce contenu nous permet de faire valoir nos idéaux pour un monde plus généreux, prospère et écoresponsable. Les histoires que nous racontons sont le miroir de notre identité. En plus de rejoindre des gens de partout, elles portent aussi notre vision du monde actuel.
Malgré la révolution numérique qui bouleverse la sphère médiatique, incluant la multiplication des plateformes étrangères comme Netflix et Amazon Prime, le secteur de l’image canadien connaît toujours du succès. Certes, l’industrie doit faire face à une part de risques, mais il y a de nouvelles opportunités à saisir.
Un investissement avisé est nécessaire si nous voulons continuer à avoir de l’impact ici comme à l’étranger. Le Groupe d’examen du cadre législatif en matière de radiodiffusion et de télécommunications vient de publier son rapport final. Steven Guilbeault, le nouveau ministre du Patrimoine canadien, a déjà commencé à rencontrer des joueurs clés de l’industrie pour dresser un portrait complet de la communauté de créateurs et de producteurs culturels.
Au-delà des chiffres et des considérations politiques, il suffit de regarder nos productions pour constater l’évidence de notre succès. Nos séries sont exceptionnelles et n’ont rien à envier avec ce qui se fait de meilleur dans le monde.
Par exemple, depuis novembre, un partenariat entre Radio-Canada et France Télévisions permet à plusieurs productions québécoises d’être accessibles au public européen via la plateforme france.tv, notamment les séries de fiction « District 31 », « Ruptures », « Trop » et le documentaire « BYE ».
Créé au Québec, le concept de l’émission « Révolution » (TVA) est aujourd’hui adapté ailleurs dans le monde, entre autres en Russie et en Lituanie. Cette populaire compétition télévisée axée sur la danse a hérité récemment du titre de Format de l’année par le magazine Playback.
Regardée dans l’ensemble de la francophonie, la chaîne YouTube du diffuseur franco-ontarien TFO dépasse maintenant le milliard de vues !
Adoptée par des millions de fans en Corée du Sud, la comédie de situation « Kim’s Convenience » (CBC) a remporté le titre de la Fiction étrangère la plus populaire aux Seoul International Drama Awards en 2019.
La série et les acteurs de « Schitt’s Creek » (CBC, Séries+) sont suivis par de nombreux irréductibles aux États-Unis, qui leur vouent un véritable culte. Les personnages sont devenus des modèles – et des générateurs de memes – pour la nouvelle génération LGBTQ. La comédie a ontenu quatre nominations aux Emmy cette année.
Des compagnies comme la montréalaise Moment Factory jouent un rôle de premier plan dans le développement de nouvelles formes de contenus et d’expérience novatrices.
Le secteur du jeu vidéo et de la réalité virtuelle sont en complète ébullition. Citons seulement le jeu « The Darwin Project », conçu à Montréal, qui a fait l’unanimité en réinventant le genre de la bataille royale.
Devant ces quelques exemples, on ne s’étonne pas que la télévision produite ou coproduite au Canada jouisse de l’un des plus hauts niveaux « d’exportabilité », selon une recherche menée par la firme Parrot Analytics.
Le contenu canadien voyage et se vend bien, mais il est temps de fournir à l’industrie de l’image les outils et les ressources qui la feront rayonner à son maximum. Face à des joueurs internationaux de plus en plus féroces, le système actuel ne suffira pas. Comme dans plusieurs domaines d’affaires, la compétition est mondiale et nous ne pouvons pas demeurer les bras croisés.
Le rapport du Groupe d’examen du cadre législatif en matière de radiodiffusion et de télécommunications, ainsi que le gouvernement, ont clairement statué que tous les acteurs du secteur, canadiens comme étrangers, devront désormais composer avec les mêmes règles. Cela contribuera à créer un environnement équitable et compétitif pour tous dans ce secteur en pleine croissance.
Cet âge d’or des médias que nous vivons actuellement nous incite à embrasser les possibilités qui se dessinent devant nous. Fort des acquis et des investissements des 80 dernières années, il est essentiel que ces nouveaux outils nous propulsent vers le succès et assurent une place de choix au contenu canadien à travers le monde.
— Valerie Creighton, présidente et chef de la direction du Fonds des médias du Canada