Kevin Mbieleu veut former les jeunes Camerounais au numérique
Entrepreneur dans l’âme, Kevin Mbieleu a commencé son parcours très jeune, en fait, dès le secondaire, digitogène très passionné par la technologie. Lorsqu’il arrive à la Catholic University Institute of Buea, ville du Sud-Ouest du Cameroun, il s’est tout de suite mis en mode solution. « J’étais plus intéressé à voir comment développer des solutions, comment développer un projet, une start-up, confie-t-il au Lien MULTMÉDIA, dans le cadre de MTL connecte. Très tôt, j’ai commencé à réfléchir aux jeunes de la zone où j’ai fait mes études qui n’ont pas eu la chance, comme moi, d’aller à l’école. »
Alors même qu’il est toujours aux études, il décide de lancer CODAM Technologies, une jeune pousse spécialisée dans l’initiation des enfants aux technologies. « J’ai commencé à faire des boot camps avec des jeunes qui n’allaient pas à l’université, mais qui étaient compétents, confie-t-il. J’étais étonné de voir à quel point ils arrivaient à comprendre certains concepts que nous, nous apprenions à l’université. Ils arrivaient facilement à comprendre certains concepts et je me suis demandé s’il n’y avait pas moyen de former des jeunes qui n’ont pas l’argent pour aller à l’université, faute de moyens ou à cause de l’environnement aux technologies et à la robotique. »
C’est le doyen de son université qui a donné à Kevin Mbieleu l’idée de développer un projet, sous forme de logiciel ou d’une application, qui proposerait une pédagogie pour permettre aux enfants et, particulièrement, aux jeunes filles, de développer des compétences technologiques. Or, en Afrique, on compte beaucoup de langues locales, ce qui posait un problème pour le développement d’une pédagogie. Dans certaines régions du Cameroun, par exemple, les enfants ne parlent ni français ni anglais. Il faut donc leur parler dans leur langue locale pour qu’ils comprennent. Lorsqu’il a demandé à des universitaires autour de lui comment il pourrait procéder, ceux-ci lui ont répondu que ce n’était pas possible, qu’il était un rêveur.
« Moi, j’ai dit : Non, c’est possible !, lance-t-il. J’avais vu certains jeunes qui comprenaient facilement le Python ou le HTML. J’ai parlé de mon projet à une de mes amies, très sensible à l’inclusion des technologies, et on s’est rendu compte qu’on dit souvent qu’il faut être un garçon pour comprendre les technologies. » L’entrepreneur commence à réfléchir à tous ces enjeux de faisabilité en 2019, débutant à mener des recherches avec des amis pour trouver une pédagogie simple pour les enfants, dès l’âge de 5 ans. Il a organisé un atelier de technologie qui a rassemblé plus de 30 enfants pour leur apprendre les bases du codage. Beaucoup de filles ont participé à cet atelier, organisé avec l’ANTIC, l’agence nationale des technologies de l’information et de la communication.
À travers tout cela, Kevin Mbieleu a porté une attention toute particulière à la cybersécurité dans le contexte pédagogique. Pour lui, il importe de sensibiliser les jeunes dès qu’ils apprennent à coder. « C’est un problème que je gère au quotidien, dit-il. Dans nos environnements africains, on embrasse la technologie, mais on se soucie moins des dangers qui vont avec. » Depuis le premier atelier, Kevin Mbieleu continue de former des jeunes, avec certaines activités payantes pour les parents qui peuvent se le permettre, mais aussi gratuites, tout en intégrant les langues locales. La tâche n’est pas facile dans un pays qui vit depuis 2017 dans ce qu’on appelle la guerre d’Ambazonie ou la crise anglophone, dans les deux régions anglophones du Cameroun, le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, opposant le gouvernement camerounais à divers groupes séparatistes.
Au fil du temps, le projet CODAM a commencé à intéresser des investisseurs locaux. À partir de 2021, l’école se met à former des enfants dans des orphelinats, leur apprenant les bases de la robotique pour fabriquer des objets qu’ils pouvaient ensuite vendre aux donateurs. « Dans la zone de crise, je voudrais lancer un projet pour former les enfants déplacés, ajoute-t-il. Cette crise dure depuis 8 ans et beaucoup d’enfants sont déscolarisés. Je dis toujours que la technologie représente l’avenir. L’évolution du numérique avance tellement rapidement qu’il faut suivre le rythme. » Les actions de CODAM, à Limbe et Douala, portent fruit : l’entreprise a été lauréate en janvier 2024 de la Silicon Mountain Conference en remportant le prix du « Most Innovative Venture 2023 ». CODAM collabore aussi avec le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) dans la région du Sud-Ouest du Cameroun.
Depuis 2020, l’entrepreneur social travaille sur un livre pour enfants sur la cybersécurité numérique. Cet ouvrage vise à sensibiliser et à former les enfants sur la sécurité et la façon de se protéger en ligne avec de nombreuses illustrations et des cas pratiques dans lesquels les enfants pourront se retrouver et, par exemple, apprendre comment gérer la cyberintimidation.