Décès de Michel Cartier, pionnier du numérique québécois
Le 26 septembre, Michel Cartier s’est éteint paisiblement, selon un message de sa fille Dominique sur les réseaux sociaux. Il a commencé sa carrière comme imprimeur, avant de devenir vice-président de la fondation Éducation Apple et directeur du laboratoire de télématique à l’UQÀM dans les années 1980. Il a aussi fondé, en 1990, le RVTI (Réseau de veille sur les technologies d’information), qui est devenu depuis le réseau ConstellationW. Le Lien MULTIMÉDIA a contacté Michel Dumais, un de ses amis, pour discuter de l’homme.
« Nous étions les quatre grognons, Michel, René Barsalo, Jon Husband et moi, raconte l’ex-journaliste et observateur des technologies. Nous nous voyions 2 à 3 fois par an. Nous pouvions nous permettre d’échanger sans limites, entre amis. Nous pouvions tout nous dire. Nous savions aussi que nous pouvions être critiqués, sans méchanceté. C’était toujours constructif. Nous étions quatre chums qui savaient se parler. » Michel Cartier était très exigeant, mais, en même temps, très humble. Le quatuor s’est connu au début des années 1990, alors que Michel Cartier enseignait la télévision et le multimédia à l’UQÀM, ce qu’il a fait de 1975 à 1997.
« Il a été un des premiers au Québec qui a vu l’importance de l’informatique dans nos vies, alors que deux jeunes un peu fous en Californie ont créé le Apple 2, poursuit Michel Dumais. Nous étions amis avant l’arrivée d’Internet, et je ne parle pas du Web. Et il nous a expliqué ce que serait le futur de l’autoroute de l’information. Il a initié la veille stratégique et concurrentielle au Québec, créant entre autres le RVTI. »
En mars 2003, Michel Cartier, René Barsalo et Michel Dumais ont organisé la conférence Constellation W3 (voir notre article). En 2012, Michel Cartier a aussi été du mouvement des 13 étonnés, un groupe de personnes du milieu du multimédia qui a lancé un vibrant appel pour que le Québec se dote d’un vrai plan numérique. Outre Michel Cartier, ces 13 étonnés comprenaient Hervé Fisher, Michelle Blanc, René Barsalo, Cyrille Béraud, Sylvain Carle, Monique Chartrand, Michel Chioini, Jean-François Gauthier, Vincent Gautrais, Claude Malaison, Mario Asselin et Monique Savoie. Au dévoilement de leur manifeste, Michel Cartier avait lancé : « Le français est-il un mur ou une fenêtre ? Quel genre de culture allons-nous appuyer sur le numérique. Dans mon monde, je courais après l’information. Aujourd’hui, les jeunes sont dedans. Des sept milliards d’habitants, deux milliards utilisent Internet et, de ces deux milliards, la moitié sont des jeunes. Il existe un passage identitaire entre ma génération et la génération Facebook. Si nous ne faisons rien, où sera le Québec dans 10 ou 15 ans par rapport au reste du monde ? »
Michel Cartier a signé de nombreux documents, dont « La schématisation de l’information » en 1994, et « Inforoute Québec, une vision d’ensemble », pour le gouvernement du Québec en 1996. En 2013, il publie en ligne, en collaboration avec Jon Husband Le 21e siècle : l’émergence de l’information, où il synthétise sa vision de ce que pourrait être le monde de demain. Pour lui, l’avenir repose sur trois pôles : politique, économique et sociétal. Michel Dumais pensait qu’il aurait pu y ajouter le pôle juridique. « S’il avait une réelle vision des technologies, il existait une dichotomie entre ce qu’il disait et ce qu’il montrait dans ses conférences, alors qu’il arrivait avec des schémas et des diapositives », se souvient avec émotion Michel Dumais.
« La vision du futur qu’il a présentée à l’époque est là aujourd’hui, poursuit enfin l’ancien journaliste. De nombreuses personnes au Québec ont bénéficié de son enseignement ; la société québécoise en a bénéficié. Sans doute, ne lui avons-nous pas assez rendu hommage de son vivant. Il a laissé un legs important. Les jeunes ne se rendent pas compte de l’importance qu’a eue Michel Cartier au Québec. Je crois qu’il a été heureux d’avoir participé à la naissance du numérique québécois. »