Diego Briceño croit au pouvoir d’une discussion collective sur les diversités
En septembre dernier, le Fonds des médias du Canada (FMC) a créé trois nouveaux postes pour soutenir la diversité. Dans ce cadre, le producteur québécois Diego Briceño a été nommé responsable, Soutien aux groupes sous-représentés. Celui qui est connu, entre autres, pour avoir cofondé le concours de pitching de documentaires Cuban Hat Project et la plateforme d’incubation médiatique à but non lucratif Makila, travaille maintenant aux côtés de la productrice Tamara Dawit et du réalisateur et scénariste Adam Garnet Jones, afin de mettre de l’avant la diversité dans toutes ses formes.
Si le FMC l’a approché pour ce contrat, croit-il, c’est sans doute pour son expérience de producteur, réalisateur, concepteur et monteur de documentaires sociaux, de fiction et de transmédia, mais aussi parce qu’il a été l’instigateur de projets rassembleurs tels que le Cuban Hat Project et l’incubateur Makila, qui compte beaucoup de projets d’immigrants et de personnes racisées. « Quand l’appel est arrivé, c’est ma femme qui m’a dit que c’était un poste parfait pour moi, s’amuse-t-il. On me demandait de créer les meilleures conditions possible pour mettre la lumière sur les groupes sous-représentés. » Il a donc accepté, mettant de côté ses projets entamés, particulièrement pour le Web et en jeux vidéo.
Dès son entrée en fonction, Diego Briceño a eu à cibler les communautés et examiner tous les programmes existants pour voir comment il pouvait faciliter la tâche du FMC pour mieux les soutenir, qu’ils agissent devant ou derrière la caméra. Son premier choc a été de découvrir le peu de chiffres disponibles sur les groupes sous-représentés. Mais pourquoi embaucher ces trois personnes à ce moment précis ? « Je crois qu’il y a eu une prise de conscience du mouvement des droits raciaux, de Black Lives Matter, et c’est devenu une priorité pour le gouvernement fédéral qui a décidé d’être davantage à l’écoute de ces communautés, particulièrement les groupes racisés, mais aussi, de façon plus vaste, les groupes autochtones et les communautés afrodescendantes en première ligne, mais aussi toutes les personnes racisées. » Au Canada anglais, on utilise le terme BIPOC (pour black, Indigenous and people of color). Au Québec et dans la francophonie canadienne, il n’existe pas de termes précis.
Il faut aussi y inclure les diversités de genre et les diversités sexuelles, ainsi que les personnes vivant avec des handicaps de toutes sortes, qui s’ajouteront dans les discussions en 2021. Sans oublier les femmes, les langues officielles en milieu minoritaire et en région, les diversités linguistiques, et, concept plus flou, les groupes religieux, ce dernier dossier n’ayant pas été encore ouvert. Vaste programme reconnaît Diego Briceño.
« Je suis arrivé en poste à la mi-septembre en virtuel, raconte-t-il. Je n’ai encore jamais rencontré mes collègues en personne ! Tout de suite, nous nous sommes mis à faire des consultations. Il faut dire que les consultations se trouvent dans l’ADN du FMC. J’avais déjà discuté avec des leaders de communautés noires au Québec et je me suis rendu compte qu’il existe une grande différence entre les communautés anglophones du Canada et les communautés francophones du Québec. » Outre les consultations, ce projet permettra de lancer des initiatives telles que des ateliers, de la formation et du mentorat, le but étant de mettre en place des programmes spécifiques pour les différentes communautés sans toucher aux programmes déjà existants.
Arrivé au Québec de sa Colombie natale il y a plus de 20 ans, Diego Briceño n’a pas nécessairement senti le poids d’être une personne racisée. Certes, les gens lui demandent tout de suite s’il parle espagnol, mais il s’est réellement rendu compte de sa différence quand sa fille, qui a aujourd’hui 15 ans, a reçu des commentaires sur la couleur de sa peau à l’école. « C’est là que je me suis rendu compte que c’était très ancré, dit-il. J’ai donc créé un comité de diversité dans l’école de ma fille, cette expérience m’a rendu plus sensible. » Le Québec s’avère très associatif, note-t-il. Il est important de faire partie d’un groupe, cela permet de faire pression. Dans son cas, cela l’a amené à porter un regard sur lui-même, sur ses racines.
L’électrochoc, croit-il, est arrivé le 25 mai dernier lorsque George Floyd a été assassiné. Le mouvement Black Lives Matter existait depuis quelques années, mais la mort d’un seul homme, filmée par les caméras de téléphone, a eu un effet sur une bonne partie du monde. « La tempête était parfaite, croit Diego Briceño, d’autant plus que le monde se touvait en confinement. » Au Québec, on a vu diverses initiatives dans les associations telles que Xn Québec, la Guilde du jeu vidéo du Québec ou encore Doc Québec pour se pencher sur les questions de diversités. « Tout le monde se réveille, dit-il. Le Québec accuse un retard. On a eu des discussions sur le langage, sur les mots qu’on utilise. Cela ne veut pas dire qu’on ne peut pas se rattraper. » Il faut une discussion collective, estime le responsable, Soutien aux groupes sous-représentés, du FMC.
Diego Briceño croit au pouvoir de la discussion ouverte, estimant qu’il existe toujours une grande noirceur, particulièrement à la télévision. Il faut un regard sur des cibles réalistes qui tiennent compte des géographiques et inclure tous ceux qui veulent participer à la réflexion, pas seulement les groupes racisés. Cette discussion doit être collective. Et la révision de la loi sur la radiodiffusion semble le moment parfait pour que les institutions et les gens se parlent. Pour lui, il faut à la fois une combinaison des témoignages des communautés et de la collecte de données. « Il faut briser la glace, s’assumer et discuter », conclut-il.