Les Journaux de Lipsett de Theodore Ushev
Theodore Ushev présente Les Journaux de Lipsett, une incursion percutente dans la tête du réalisateur de génie Arthur Lipsett, sombré jusqu’au suicide dans les méandres de la maladie mentale. Inspiré de l’esthétique de déconstruction élaborée dans l’œuvre de Lipsett - qui utilisait des chutes sonores et visuelles pour composer ses oeuvres -, le film est construit comme un montage essoufflant qui combine une bande son et des images semblant directement issues de l’inconscient du personnage.

La narration, rendue par la jeune voix nerveuse de Xavier Dolan, transporte toute l’anxiété que révèlent des pensées entremêlées et inachevées, tirées de l’œuvre et des notes du cinéaste et remixées par l’auteur Chris Robinson. Les dessins, retraçant souvent par rotoscopie des images de films de Lipsett ou de plans tournés par Ushev, sont montés de façon accéléré, souvent saccadée, reproduisant habilement la sensation de déraillement d’un cerveau en perte de contrôle.
De l’enfance à la mort du cinéaste, en passant par la disparition de la mère, le succès aux Oscars et la prise excessive de médicaments, la trame animée, faite de traits brossés qui rappellent les rayures des vieilles pellicules, suit une certaine chronologie alimentée de brefs retours en arrière.
Plus le temps passe, plus la réalité se mêle aux visions hallucinatoires. On y repère certaines références artistiques, comme celles aux peintures noires de Goya. Puis le monde visuel et musical du cirque prend le dessus, et l’on se dirige tout droit, avec le protagoniste, vers la chute inévitable.
Les Journaux de Lipsett offrent au spectateur une expérience bouleversante qui repousse les limites de l’évocation de l’inconscient par le cinéma d’animation.