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    [Opinion]

    Le « cash » dans le Web - par Jean Paul Thomin

    15 octobre 2010, 00h20
         |      Article rédigé par Jean Paul Thomin     

    Un pionnier du multimedia au Québec, Jean Paul Thomin a créé entre 1995 et 1999 les premières fictions Web en français et le premier film produit spécifiquement pour le Web ; ‘’Ombres et Tango’’ . Il observe l’évolution stratégique et économique du numérique depuis 1993, en particulier au niveau des contenus, et offre sa version en forme de bilan de l’état du Web en 2010. Il aborde dans cet article la question des revenus liés aux contenus.

    Avec la sortie des résultats du Fonds Media et un atelier sur la monétisation des contenus, la sempertinelle question des revenus pouvant être tirés hypothétiquement des contenus Web (et 2.0, etc.) fait un retour. Aussi séduisant et fantômatique que l’existence de l’Atlantide, le point d’interrogation des revenus a nettement plus d’impact parce qu’il concerne à terme la pertinence et la survie de l’industrie.
    Et en ce qui concerne le Québec la réponse simple est non ; sauf exception, il n’y a pas de revenus possibles pour les contenus.

    Il y a d’abord un problème de structures :
    Côté revenus de publicités, les agences autant que les équipes de ventes des Webdiffuseurs fonctionnent comme pour les médias traditionnels : on tend naturellement à favoriser des campagnes globales simples à organiser et à haut rendement. Le Web comme nous le savons tous, reste un phénomène de niches. Sauf que rejoindre une niche particulière demande de la recherche et une opération spécifique. Pour un client donné, mettre sur pied une série de micro-opérations au lieu d’une seule grande peut offrir de meilleurs résultats et apporter à l’agence ou à l’équipe de vente davantage de revenus mais avec un taux de rendement bien inférieur. Les chargés de compte opèrent d’ailleurs en mode ‘’tunnel’’, avec les yeux fixés sur les revenus à entrer chaque mois.

    Ce contexte de travail ne favorise pas l’innovation et les agences autant que les équipes de vente ont le plus grand mal à intégrer de nouvelles approches. On n’a qu’à penser à la vidéo sur le Web encore vendue à l’affichage comme de la bannière. L’univers des équipes de vente reste à peu près imperméable et pour un producteur, les revenus publicitaires à espérer en mode partage s’avèrent très aléatoires.

    Il faut également ajouter que le numérique exige une grande interopérabilité entre différentes professions normalement séparées au niveau de la gestion. Ainsi pour assurer la création de revenus dans un contexte promotionnel sur le Web, le cellulaire ou le 2.0, il conviendrait que la publicité, la production et la distribution soient assises ensemble à la même table. Le gestionnaire du contenu pourrait ainsi faire valoir adéquatement la valeur de ses produits et la distribution pourrait prévoir un déploiement efficace et significatif pour un annonceur potentiel. Ce type de fonctionnement hybride, nécessaire pour opérer de manière efficace en volet numérique, ne fait tout simplement pas partie des moeurs des entreprises au niveau gestion. De timides tentatives ont lieu actuellement mais nous sommes très loin de l’établissement d’un système fonctionnel.

    Les coûts du transport de données font partie du problème structurel :
    Internet n’est pas gratuit, l’accès mensuel coûte une fortune. Au Québec. Évidemment qu’à 45 ou 50$ par mois, l’usager (et moi aussi) s’attend à ce que le contenu soit gratuit ! Le hic c’est que contrairement au téléphone, cellulaire ou résidentiel, ou au câble, la valeur financière d’un abonnement à l’Internet n’est pas attachée à l’essentiel ; ce qu’on veut obtenir, par exemple du contenu, mais à l’accessoire c’est-à-dire l’accès tout court. Il n’y a pas de valeur ajoutée dans le prix du transport de données, qui ne crée aucune retombée économique positive. En fait le prix élevé du ‘’bandwith’, empêche la valorisation financière des contenus et freine éventuellement tout le développement commercial qui s’y rattache incluant le e-commerce.

    Ensuite, il existe ce qu’on pourrait appeler la culture d’entreprise :
    Celle des Webdiffuseurs d’abord :
    Au Québec la prise de risque, en particulier tout ce qui touche à la culture, est souvent laissée à l’État. Sauf au cas par cas, les Webdiffuseurs ont rarement soutenu la production de contenus numériques destinés aux publics québécois. Touts ceux qui ont vécu les épisodes des ‘’fenêtres d’opportunités’’ durant les années 90 savent de quoi je parle. Ces périodes de 12 à 18 mois qui s’ouvraient permettant éventuellement à l’industrie québécoise du multimédia de se tailler une petite place d’abord dans le cédérom entre 1993 et 1995, puis dans le Web entre 1995 et 1997 et enfin dans le vidéo sur le Web entre 1997 et 1999. La réaction des décideurs du privé fut chaque fois la même ‘’Il n’y a pas encore de modèle d’affaires. On va attendre de voir ce que l’État va faire.’’ Comme dirait le voisin : ‘’One, two, three strikes you’re out !’’
    Onze ans plus tard, la question est maintenant de savoir si d’un point de vue culturel, et peut-être même économique, l’industrie multimedia peut survivre localement.

    L’État lui-même apporte de l’eau au moulin de l’inertie :
    Lors de l’élection du Parti Québécois en 1994, je profitais d’un accès relativement aisé à l’un de ceux dont les deux mains tenaient le volant du char de l’État. Mais comme il me l’expliquait sobrement à l’époque ; il ne connaissait rien à l’ordinateur, et personne autour de lui non plus. Adieu ma promotion du multimedia québécois. Seize ans plus tard, les mandarins alors au début de la quarantaine sont aujourd’hui au milieu de la cinquantaine, et peu importe le parti, ne fréquentent pas davantage le Web. La faute en incombe probablement en bonne part au fait que culturellement, l’antagonisme fédéral-provincial moule, encadre les préoccupations de la machine de l’État, relancé en sus par la dialectique des comtés et des besoins des régions. Autant au fédéral qu’au provincial, les partis politiques restent en matière de numérique absolument incultes. La campagne à la présidence d’Obama demeure pour eux un mirage lointain et un exemple exotique qui n’a aucune prise avec la réalité d’ici.

    Comme j’ai pu le constater lors d’une entrevue à la CSST en 2009, l’évolution du Web et de ses publics se fait tellement vite qu’elle largue parfois carrément l’État. Comme pour ces excellente formations sur la sécurité que propose la CSST sur son site mais qu’aucun travailleur en bas de 25 ans ne va voir. Travailleurs que la CSST ne savait plus rejoindre à l’époque. À moins de 25 ans, on est 2.0, SMS, mais Web traditionnel ; non. Et on ne lit pas les journaux, on ne regarde pas la télé. Un phénomène que vivent aussi les grands syndicats. Comme me le confiait l’an dernier un responsable des communications à la CSN, l’organisation fonctionne encore au fax. Alors les jeunes...le 2.0...la relève...

    Pour exprimer le clivage entre l’establishement du Québec et sa population lorsqu’on parle du numérique, disons que la personne de la Belle Province s’est séparée de sa tête. Le corps est parti vivre le numérique et la tête est demeurée sur place pour vivre ... sa bulle.

    Pour expliquer aux décideurs que la survie de la culture québécoise ne se joue éventuellement pas au cinéma, à la télé ou dans les journaux mais sur le Web, le 2.0, le cellulaire et que les contenus numériques sont essentiels...Ouch. Je crains que ça ne prenne des manchettes louisianaises dans leur journal favori. Mais il sera trop tard.

    Plus grave, le problème de la fragmentation des clientèles sur le Web ;
    Je crois que nous touchons ici à l’essentiel de la problématique.
    Des québécois sur le Web il y en a. Des masses. Du Web québécois il n’y en a pas, ou si peu.

    Faute d’avoir créé les contenus pour retenir des usagers qui migrent sur YouTube, Facebook et autres Flick ou Hulu lorsqu’ils passent en mode numérique. Pour vendre ; de la publicité, des licences, des abonnements, il faut du monde et le nôtre est genre aux États-Unis. C’est là qu’il achète d’ailleurs. Pratiquement aucun site d’ici ne crée de rétention suffisante pour amener sur ses clips de quoi justifier des revenus publicitaires conséquents. Assez conséquents pour justifier à leur tour la création de contenus originaux. Avec deux, trois ou quatre mille usagers par clips, impossible de faire quoi que ce soit de structurant.

    Et ces chiffres sont trop faibles pour inciter les Webdiffuseurs à l’investissement en contenu ou à l’achat de licences.

    La création de Tou.Tv par Radio-Canada a suscité à l’époque beaucoup de critiques mais l’initiative rend service à tous les Webdiffuseurs en créant un ‘’hub’’ québécois, un lieu où la densité des contenus engendre la rétention et la fréquentation. Il faudrait infiniment plus pour que les auditeurs qui quittent la télé du Québec pour le Web deviennent des usagers du numérique québécois plutôt que du numérique français, anglais ou américain.

    Parlons d’espoir :
    Le temps manque aux créateurs et aux producteurs d’ici mais néanmoins, s’ils peuvent survivre suffisamment longtemps, l’évolution actuelle peut amener des solutions. Comme le prouve la mobilité sans cesse croissante des contenus, disponibles sur cellulaire, tablette de lecture, etc., l’usager ne s’attache plus à un diffuseur : NBC, Radio-Canada, Canoe, etc., mais à un contenu : Dexter, Weeds, etc.
    Il existe également à Montréal un noyau en croissance de gens qui suppriment l’abonnement au câble d’un budget de communications familial devenu trop lourd pour brancher à la place Internet sur la télé. Cisco, Netflix, et leurs compétiteurs, en font foi. De plus en plus, ce sont les contenus, vus au moment et de la manière choisis par l’usager qui vont devenir une destination média.
    Pour les producteurs, cela veut sans doute dire de déployer les efforts nécessaires pour s’identifier chacun avec son contenu et de trouver le moyen de véhiculer soi-même ce contenu, au besoin en se regroupant avec d’autres, et en assurant sa propre représentation auprès des annonceurs et commanditaires comme le faisaient les producteurs télé il y a 30 ans.
    Et de trouver le moyen de survivre les deux ou trois prochaines années en attendant que prenne le ciment.

    Comme dirait le puissant sage abitibien, si on patine toutt en tas, on sort peut-être du bois.

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