[PODCAST] Cédric Delorme-Bouchard maîtrise l’espace scénique et l’éclairage dans la pièce « Intérieur »

Écrite en 1894, la pièce du dramaturge belge Maurice Maeterlinck raconte l’histoire d’une famille qui ignore la mort de leur jeune fille. L’oeuvre mise sur l’inconnu, l’invisible et l’intérieur. À l’avant de la scène, la famille, sans dire un mot, est assise dans sa maison, n’ayant pas connaissance du décès d’une des leurs. À l’arrière, les villageois se demandent comment annoncer la tragique nouvelle à la famille. « C’est une pièce que je connais depuis très longtemps. Pour "Lamelles", la première pièce que j’ai présentée à l’Usine C, "Intérieur" faisait partie des lectures qui ont stimulées le processus de création. C’est l’idée du choeur qui m’a donné envie de monter cette pièce. Tout au long du spectacle, on attend l’arrivée de la foule de villageois sur la scène. J’avais envie de mettre l’accent sur cette masse humaine qui se déverse sur le plateau tout au long de la représentation », explique Cédric Delorme-Bouchard.

Dès le début de la pièce, deux lieux se dessinent sans délimitations visuelles. Il y a l’intérieur et l’extérieur de la maison. Les villageois observent la famille silencieuse à l’intérieur sans qu’il y ait d’interaction entre les deux groupes. Le seul moment où ils entrent en contact est lorsque la famille apprend la mort de la jeune fille, à la toute fin de la pièce. « La pièce pose des questions scénographiques énormes. Il y a les personnages qui regardent et décrivent la famille de l’extérieur et il y a ceux dans la maison. On a ce jeu de miroir entre l’intérieur et l’extérieur qui est seulement brisé à la fin lorsque le personnage du vieillard traverse et rejoint la famille. Je n’avais pas envie qu’on isole les groupes de manière physique. J’avais envie d’un paysage qui se déploie et se recompose, et dont le spectateur fait partie aussi. Par moment, on est en train de regarder la famille avec eux. À un autre, la lumière est dirigée vers nous et on est observé par les étrangers. À la fin, l’arrivée de la foule est un éclatement des frontières. Elle se transforme en choeur et cela clôt la pièce. On éclate les espaces physiques et la fable », clarifie le metteur en scène.

Avec plus de 200 spectacles de danse, de théâtre et d’opéra comme concepteur de lumière et scénographe à son actif, Cédric Delorme-Bouchard sait maîtriser la lumière, la texture et l’espace scénique comme peu savent le faire. Les jeux d’ombres et de contrastes donnent une force profonde à « Intérieur ». Les silences et la lumière apportent une intensité remarquée qui fait la force de la pièce. « Ma matière première se trouve à mi-chemin entre la lumière, le corps et la musique. Évidemment, contrairement à un processus plus traditionnel, la manière dont les tableaux vont être composés en lumière est intégrée aux répétitions, lors des découpages de textes et à la mise en place. Les ombres noires projetées sur le mur de fond ressemblent beaucoup aux personnages en premier plan qui portent des vêtements très foncés. Tout sur scène se retrouve piégé entre ces formes. Les déplacements des comédiens sont au pouce près pour que les grandeurs et la position des ombres soient constantes. C’est une chorégraphie que tous doivent suivre à la lettre », justifie le concepteur d’éclairage.

« Intérieur » est une création de la compagnie Chambre Noire. Fondée en 2017 par Cédric Delorme-Bouchard, elle se dédie à la recherche, à l’expérimentation et à la réflexion autour des nouveaux langages scéniques.

Chambre Noire produit également « Les Employés », qui sera présentée au Théâtre La Chapelle en avril.