[PODCAST] Antoine Corriveau poursuit l’expérimentation musicale à chaque album
Avec son album « Pissenlit », Antoine Corriveau remportait le 5 décembre dernier le Prix de l’album indie-rock de l’année au GAMIQ (Gala de musique indépendante du Québec), après trois nominations à l’ADISQ. Le « rocker au coeur tendre » s’est entretenu avec le Lien MULTIMÉDIA à propos de son parcours musical, de la création, du vidéoclip du titre « Kenny U-Pull » et d’un prochain album.
En plus de la reprise des spectacles depuis l’été 2021, Antoine Corriveau enseigne cet automne une journée par semaine à l’École de la chanson de Granby. Il oeuvre également ces derniers temps à la réalisation d’albums pour d’autres artistes, comme Fantômes (Bobby Lehoux), Augustine (Mireille M. Fiset), Foisy, Mathieu Bérubé et Mat Vezio, ce qui le garde passablement occupé.
Lorsqu’on l’interroge sur son évolution musicale, l’artiste qui compte plus de quatre albums reste un peu vague. « C’est très difficile à dire pour moi. C’est un peu comme avoir un enfant et pas le voir grandir, dans le sens où ca se fait, ça se transforme extrêmement, avec beaucoup de délicatesse chaque jour, ce qui fait que quand tu regardes en arrière, tu as l’impression qu’il y a beaucoup de différences entre deux affaires, mais je ne sais pas, pour moi c’est la même affaire d’une certaine manière. C’est la même personne qui est en arrière de tout ca. En même temps, j’ai une volonté d’essayer des choses différentes. Je pense que c’est ce qui rend ça excitant pour moi, de travailler sur des chansons, de travailler sur un album, d’essayer des choses que je n’ai pas faites encore, d’essayer de prendre des chemins que je n’ai jamais pris, pour arriver à un résultat différent... À l’époque de ces disques-là aussi, ça faisait déjà un moment que je faisais la musique, mais c’était mes premières expériences... Je pense que t’apprends beaucoup là-dedans. À travers ça tu découvres plein de choses. Même avant "Les ombres longues" (2014), j’avais fait un autre disque, qui était paru de façon indépendante, alors je me suis retrouvé en studio. C’est quand même la quatrième fois que je m’apprête à faire ça. J’aborde cela autrement c’est sûr. J’essaye des choses différentes avec ma voix, dans les manières de composer, pour que ça donne un résultat différent au final. »
Dans deux courts métrages réalisés par Antoine Bordeleau, « PISSENLIT, le documentaire » et « PISSENLIT, le documentaire (la suite) », l’auteur-compositeur-interprète compare, avec un brin de dérision, la création musicale à divers éléments d’une voiture usagée qu’il a remise à l’état fonctionnel, ou encore à un piano, une maison. Concrètement, il a abordé l’album « Pissenlit » d’une manière tout à fait originale et improvisée. « J’ai commencé à faire du studio sans avoir de chansons et j’ai passé deux jours à enregistrer cinq batteurs. J’avais envie de voir, parce qu’ils sont tous différents, dans leur approche de cet instrument-là, dans leurs idées. Je voulais qu’ils s’influencent les uns les autres... Ça me donnait quelque chose comme une grosse banque de trucs très variés, et aussi un son très particulier. Je voulais quelque chose qui drive beaucoup. Puis après ça, j’écoutais et j’essayais de repérer les moments intéressants de ces jams. » Par-dessus ces rythmes d’environ 10 minutes sur des tempos pré-établis, parfois up-tempo, parfois très rock, les paroles se sont ensuite greffées, ainsi que les lignes de basse et de bass synth, avec des suites d’accords suivant des tonalités. « Ça m’a amené à composer, je pense, quelque chose que je n’aurais jamais composé si j’avais juste gratté une guitare ou joué du piano », résume-t-il, mentionnant au passage que la composition en solo se fait parfois simplement, parfois difficilement.
Outre Antoine Corriveau au chant et à la guitare, les concerts comprennent un autre guitariste, une clavieriste et un bassiste, auxquels s’ajoute la batterie de son collaborateur de longue date Stéphane Bergeron. Ce dernier ajoute à la formation des partitions travaillées des chansons, quelque fois « épaissies », renchéries d’extraits originaux des improvisations à 5 batteurs. Sur l’enregistrement de son dernier opus, on perçoit notamment plusieurs sons de « pédales d’effets », captés par de petits micros dispersés sur l’instrument. « Ça crée quelque chose qui sort vraiment de ce qu’on est habitué d’entendre d’une batterie. Ça va comme chercher cette espèce de son-là plus... hors de contrôle, et ca nous permet de le traîner sur scène un peu », décrit-il à propos des percussions.
Tourné en partie en résidence à Natashquan pendant l’automne 2021, le vidéoclip du titre « Kenny U-Pull » reprend deux fois (plutôt qu’une) la courte chanson. Il s’agit d’une idée de la réalisatrice, Annie St-Pierre, qui intègre le road movie et la thématique jaune autour d’un cimetière automobile. « Je trouvais que c’était quand même assez à l’image de toute la philosophie autour de ce disque-là, et de cette tournée-là. Dans le spectacle on joue l’album, mais les musiciens sont très libres, puis ils sont très bons. Ils peuvent amener ça un peu à plein d’endroits différents, selon le mood de chaque soir. L’album s’est beaucoup fait dans un esprit de laisser-aller et de lâcher prise, ça fait qu’il y a comme de l’ironie là-dedans, quelque chose du loop, qui fonctionne avec l’idée de doubler le clip », commente l’artiste.
Antoine Corriveau dit avoir hâte de concevoir son prochain disque, mais encore une fois, il n’a pas de chansons, du moins pas pour l’instant. Histoire de « se mettre en mouvement », il révèle s’être approprié quelques instruments qu’il qualifie de « désuets », comme un magnétophone à cassette et de vieilles machines à rythmes. « J’ai une table tournante avec plein de vinyles de mauvais goût à mon studio, et j’échantillonne beaucoup de choses en ce moment. J’ai comme envie de partir de ces affaires-là, mais ça a le temps de changer... J’ai l’impression qu’en décembre ou janvier, je vais pouvoir tranquillement commencer à travailler là-dessus, mais c’est très flou pour l’instant. J’ai plus d’envie qu’un projet », conclut-il.