Cancionero de Palacios.
Photo: Courtoisie
Pour ce EP, Jérôme Minière a adapté librement des fichiers midi transposés de partitions du « Cancionero de Palacio », un corpus de chansons crée au 16e siècle par des compositeurs anonymes à la cour du Roi d’Espagne. Ces pièces musicales ont le goût de l’ancien et du nouveau, de la tristesse et de la joie, ainsi qu’une couleur à la fois traditionnelle et électronique.
En ce début d’année 2020, avant que la pandémie ne frappe la planète entière, en faisant le ménage dans ses disques durs, Jérôme Minière est tombé sur le projet de EP « Cancionero de Palacios » qu’il avait produit puis laissé de côté en 2016, alors qu’il était très occupé au théâtre. Il y avait là 6 fichiers audio, un dessin esquissé rapidement et un court texte de présentation. Jérôme Minière a un coup de coeur en réécoutant ces musiques. Les doutes qu’il avait en 2016 à propos de ces pièces méditatives se sont évanouis. Avec le recul, les défauts qu’il trouvait au projet lui apparaissent comme des qualités. Il y a bien un titre qu’il écarte parce qu’il ne cadre pas avec les autres, mais pour le reste tout est là. Ne reste qu’à masteriser les 5 morceaux du EP, à utiliser le dessin tel quel pour le visuel et à adapter légèrement le texte de présentation. Puis la pandémie arrive et Jérôme Minière songe à mettre le projet de côté. Il écoute à nouveau « Cancionero de Palacios » et se rend compte que ces instrumentaux mélancoliques agissent sur lui comme un remède, un baume au coeur. Alors, il se dit : « Si ça marche pour moi, cela pourra peut-être aider d’autres gens en cette période difficile. »
Il l’offre donc en ligne sur Bandcamp et Soundcloud dès le 22 avril. Comme l’accueil est très chaleureux, il décide finalement de le sortir sur toutes les plateformes, ce qui sera chose faite dès maintenant.
L’idée de ce projet parallèle dans sa discographie lui est venue en composant pour plusieurs mises en scène en scène de Denis Marleau et Stéphanie Jasmin du Théâtre UBU. Jérôme Minière étant largement autodidacte en musique, il n’aurait jamais osé s’attaquer à des interprétations d’oeuvres classiques. C’est pourtant ce qu’il a fait pour UBU, triturant par exemple du Schubert pour la pièce « La ville » de Martin Crimp (Espace Go, 2014), et se frottant par la suite à Kurt Weill... Bref, un tabou était brisé. À défaut d’être un virtuose, Jérôme Minière osait s’amuser à ré-interpréter des oeuvres de musique « sérieuse » à sa manière, à l’aide de ses machines et de sa sensibilité. Il a découvert le « Cancionero de Palacio » un peu par hasard, et cet ensemble d’oeuvres musicales pour la plupart anonymes l’a tout de suite fasciné. Est-ce que l’on pouvait créer un pont entre l’anonymat numérique du 11e siècle et celui des musiciens de la cour des Rois d’Espagne au 15e siècle ?
À noter que le résultat est très éloigné des pièces originales, qui sont le point de départ, mais qui ont été considérablement transformées, recomposées par l’imaginaire de Jérôme Minière. C’est ce décalage qui l’intéresse : redonner vie à des partitions anciennes, c’est toujours les modifier, parce que l’on se situe à un autre point dans l’espace-temps. Jérôme Minière respecte ici l’esprit de ces compositeurs anonymes plutôt que la lettre. C’est pour cela que tout est un peu modifié, même les titres : « Cancionero de Palacio » devient donc « Cancionero de Palacios » avec un « s » , ou « En El Servicio De Vos » qui devient « En El Servicto De Vos... » bref, ce sont des créations, pas de simples copies. C’est un travail sur la mémoire que nous offre ici Jérôme Minière. Il intègre aussi à « Cancionero de Palacios » des émotions et des souvenirs sonores des années 80 et 90, à la frontière entre la musique ambiante, le post-rock et la new wave. Toutes ces strates se fondent dans ce projet hypnotique et apaisant, qui délaisse la nouveauté à tout prix, pour s’enraciner dans un passé réinventé au présent.
« Cancionero de Palacios »
EP disponible dès maintenant.
