[PODCAST] « Sous un même soleil », essai documentaire sur la représentation d’un conflit complexe
Pour son second long métrage documentaire, « Sous un même soleil », François Jacob s’intéresse au conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, deux pays qui, malgré le cessez-le-feu de 1994, se disputent toujours la région du Nagorny-Karabakh. Armé de sa caméra, il s’est rendu sur le territoire pour entendre et capter les témoignages des habitants dont les convictions soulèvent encore aujourd’hui de furieuses passions. En marge du festival Hot Docs, où le film a été sélectionné dans la section Canadian Spectrum, le cinéaste s’est entretenu avec Qui fait Quoi.
« Au début, c’était censé être un voyage d’exploration. Puis, ce qui a vraiment catalysé le projet est la rencontre avec l’écrivain azerbaïdjanais Akram Aylisli que nous entendons dans le film, raconte le documentariste. Nous nous sommes rendu compte de ce qui était le plus important, par rapport au paysage mental et de vivre dans la région, était cet espèce de conflit ethnique qui a ouvert des blessures et des traumas qui sont encore non résolus et qui continuent de dominer l’imaginaire de la région. »
Pendant trois ans, François Jacob a voyagé sur place à de nombreuses reprises pour multiplier les rencontres et immortaliser des images. Comme il l’avait fait sur son précédent long métrage documentaire « Sur la lune de Nickel », en apprenant le russe, il s’est ici familiarisé avec la langue arménienne. Tout cela en plus des tonnes de lectures et de recherches que son coscénariste Antoine Dion-Ortega et lui ont menées au cours de ce long, mais fructueux parcours exploratoire.
« Pour moi, tout le monde est intéressant par rapport à son sentiment. Ce n’est pas un film où les faits historiques sont mis de l’avant. C’est plutôt un essai sur la représentation d’une réalité, d’un conflit et d’un rapport au monde », indique-t-il.
D’ailleurs, la neutralité est un élément avec lequel les protagonistes ont eu beaucoup de difficulté. C’est pourquoi le cinéaste note un rapport au tournage très difficile pour ceux-ci. Il lui fallait alors trouver la juste distance face aux propos qui sont tantôt délicats, tantôt sujets de controverses.
Assurant lui-même la direction photo de son long métrage documentaire, François Jacob a dû lutter contre le réflexe de capter passivement l’action. Même si parfois le contexte le forçait à s’en remettre à son instinct, il a essayé, lorsqu’il était dans les villages, de privilégier une caméra à la fois présente et absente, tout en prenant soin de faire sentir l’humain dans son environnement.
« Il y a avait des objectifs clairs au point de vue thématique, que ce soit la frontière ou les barbelés, mais le fil conducteur principal était de garder l’humain au centre et de ne pas chercher à faire de la carte postale. C’est une course à relais de sensations et d’impressions », rapporte le réalisateur.
Avec un sujet aux enjeux complexes, 200 heures d’images et quatre langues à traduire, le travail de postproduction a été particulièrement ardu pour le cinéaste. Aux côtés du monteur Jéricho Jeudy, il a eu à trouver le juste équilibre parmi les différents intervenants. « Nous avons passé pratiquement six mois à chercher quelque chose. Lorsque nous l’avons trouvé, ça s’est fait en trois semaines », se souvient celui qui a également effectué une dizaine de visionnements tests auprès des communautés arméniennes et azerbaïdjanaises.
Se décrivant comme un voyageur compulsif et quelqu’un de très curieux, François Jacob s’intéresse souvent à ce qui se déroule à l’autre bout du monde pour trouver des sujets de films. Or, cet exercice commence à l’épuiser. Il lui demande de 3 à 4 années à l’extérieur du Canada, loin des siens. C’est pourquoi il travaille actuellement sur des thèmes à résonnance plus nationale pour ses prochains projets.
« En ce moment, j’ai envie de me focaliser sur des tournages locaux, mais à portée universelle, notamment sur des questions d’écologie », dévoile le documentariste.
« Sous un même soleil » peut être visionné sur le site hotdocs.ca du 28 mai au 24 juin.