Glowzi : Art et engagement d’un·e ancêtre en devenir
Né·e Gloria-Sherryl François d’une mère artiste très engagée dans le développement créatif de son enfant, Glowzi touche très jeune à la peinture et au dessin. Iel se met aussi à la musique – au cor français et au chant – dans l’enfance. Aujourd’hui, iel peint, compose, confectionne des bijoux, réalise des projets cinématographiques et numériques, fait du VJing... De passage à MUTEK avec sa formule Glowzicombo, la Montréalais·e originaire d’Haïti nous a parlé de son apprentissage des arts, de son engagement politique par la création, de l’importance des racines et des villages pour le développement de son humanité.
« Quand ma mère est arrivée ici, consciente du fait qu’elle ne pouvait pas nécessairement se permettre d’être dans ces périodes d’hyperfocus [qu’impliquent les arts] en raison du fait qu’elle voulait être présente pour ses enfants - ma soeur et moi -, elle a décidé de mettre ses joies et ses désirs artistiques au sein de notre éducation. Dès un très jeune âge, j’avais déjà un pinceau ou un crayon dans les mains. Les arts ont toujours fait partie de ma vie, que ce soit le chant, la danse, la peinture, le dessin. Un peu plus tard, avec l’apprentissage des technologies au secondaire qui ont continué jusqu’à aujourd’hui, il y a eu la production musicale, le VJing, le mapping, le montage vidéo et ça continue. Le noyau de tout ça, de mon parcours artistique, c’est vraiment ma mère. Et après, bien sûr, il y a les différents villages au sein desquels j’ai la chance d’être qui m’ont permis d’assouvir la curiosité que j’avais par rapport à différents éléments artistiques, que ce soit de comprendre comment faire du design graphique ou comment mixer avec des vinyles. »
Après un passage une première fois à MUTEK comme DJ sur la scène extérieure en 2021, puis une présence dans la cadre du Piknic MUTEK en 2023, Glowzi se lance à l’été 2024 dans une performance live, accompagnée en formule trio de la trompettiste Chudyanna Bazile et de la bassiste Amaëlle Beuze, de chères amies rencontrées il y a environ huit ans.
« Le nom GlowziCombo, je l’ai pris de formations musicales qui sont très populaires en Haïti, où on a les Bossa Combo, Tabou combo, etc. Ce que j’aime bien de ce type de formations, c’est qu’elles changent tout le temps. Des fois, le Combo peut être formé de trois personnes, des fois, il contient 25 personnes, des fois, ça peut même être un soliste. Donc, ce que j’aimais de la performance en direct, où tous les éléments créés sont faits par des collaborateurs et ma personne, c’était l’idée de me donner vraiment l’espace de pouvoir expérimenter comme bon me semble, de collaborer avec des artistes d’ici ou d’ailleurs en voyageant, je l’espère, grâce aux arts... »
Dans cette performance de Glowzicombo, l’âme est à la fois à la fête et à la réflexion. La gravité et la joie se côtoient, comme dans la vie. Aux visuels, des extraits d’un manifeste que Glowzi se prépare à sortir dans les prochains mois : une oeuvre collaborative réunissant des archives dénichées en ligne et des images tournées par la créatrice au sein de sa communauté artistique.
« Un proverbe africain dit qu’il faut un village pour élever un enfant. Je trouve que souvent, une fois passé l’âge dit enfant, on oublie que ces villages-là sont tout aussi importants. […] Toute la performance, les sons ou les visuels, c’est un travail de collaboration immense. Pour le visuel, ce sont des extraits d’un manifeste que j’ai filmé avec d’autres artistes locaux que j’apprécie beaucoup, non seulement pour la tendresse et l’amour qu’ils ont pour leur art, mais aussi la tendresse et l’amour qui sont présents chez eux en tant que personnes, en tant qu’ancêtres à en devenir. »
Si son expression artistique s’inscrit dans un engagement social et une réflexion politique sur, notamment, les origines et la réappropriation des cultures ancestrales, Glowzi ne souligne pas ses prises de positions à gros traits. Cette tangente engagée reste tout simplement une extension de sa personne.
« Dans le cadre de MUTEK, je trouvais très important dans cette période tumultueuse, de ne pas cacher la confusion, l’espoir, le désespoir qui peuvent venir habiter une personne comme moi ou comme des personnes de mon âge ou plus vieilles. Mine de rien, j’avais 16 ans lorsque j’apprenais ce qui s’était passé à la Deuxième Guerre mondiale et on voit des parallèles en ce moment qui sont quand même assez effrayants et je vais avoir 26 ans. J’ai grandi avec l’idée que si tu vas à l’université, tu as ton bac, tu arrives après à avoir un salaire avec un job qui te permet d’assouvir tes désirs. Et là, une fois que j’arrive à ce moment-là, comme plusieurs personnes à la mi-vingtaine, et je pense que ça arrive même à des gens qui sont beaucoup plus vieux, mais je parle avec mon expérience, tu arrives et tu ne peux même pas payer un loyer tellement c’est juste la pagaille partout : l’épicerie hyper chère ! Les personnes qui ont des bac, maîtrise, doctorat, n’arrivent pas à trouver des jobs, il y a clairement une hausse de personnes qui sont sans domicile. Bref, les conditions de vie sont quand même plus difficiles et ça se fait ressentir à travers différents paliers. Je trouvais important en tant qu’artiste, dans ce contexte tumultueux, de ne pas faire comme si ça ne nous affecte pas. Et puisque je parle du fait que tout ce que je crée est une extension de moi-même et que je pense qu’en tant qu’ancêtre en devenir pour nous tous·tes, c’est important de ne pas seulement archiver ces moments de tendresse et de joie, mais aussi ces moments où on se pose des questions, parce que si on arrive à avancer aujourd’hui, c’est qu’on a des archives d’ancêtres qui nous ont fait part de leur tristesse, désespoir et compagnie. Je tiens à centrer ça aussi dans tout ce que je crée », rajoute-t-elle en guise de conclusion.